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Channel: U ZINU alias l'oursin - Le blog de Jean Maïboroda.
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Ukraine-Russie ou les frères ennemis.

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Ukraine-Russie ou les frères ennemis.
UKRAINE - RUSSIE ou LES FRERES ENNEMIS

March 7, 2014, 7:36 am

Image en provenance de : http://acturatons.blogspot.fr/



 
Le grand Ibn Sinà, alias Avicenne, avait quelque raison de dire: "La vérité est comme l'eau, qui prend la forme du vase qui la contient".
Un exemple édifiant ?
Les manifestants pro-européens de la place Maïdan ont été présentés à travers le discours officiel occidental et les médias dominants comme de vaillants et purs démocrates, tandis que les sécessionnistes de Donetsk et de Lougansk, de même que les pro-russes de la péninsule de Crimée, ont été présentés comme des nervis au service de Poutine.
Des articles plus nuancés que ceux des medias mainstream, voire même des analyses franchement opposées aux thèses occidentales ont pu cependant contrebalancer la vision manichéenne "pro-occidentale" de la "révolutione Maidan….. et de ses suites.
Renvoyant aux medias officiels ou "mainstream" pour les panégyriques  pro-Maidan, U zinu  propose donc à ses lecteurs des articles ou extraits tirés de sites plus neutres ou moins engagés dans le camp dit occidental.
Ces articles et analyses, proviennent des sites suivants:
 
- Herodote.net ;    http://www.herodote.net/
- Diploweb - La revue géopolitique on line  http://www.diploweb.com/
- Le site de Ahmed Bensaada   http://www.ahmedbensaada.com/
- http://www.marianne.net/elie-pense/xml/syndication.rss - un article d'Elie Arié.
- blog de Geoffroy Géraud Legros: http://www.7lameslamer.net/quand-les-nazis-menent-le-bal.html
- Vive la Crimée Russe - Gabriel Matzneff - Le Point.fr - 17.03.2014 


U Zinu.
Article 2014 revu 2020    

 
 
 
 


Tiré du site  "HERODOTE.NET" 

1er mars 2014
Gare à ne pas désespérer la Russie  
 
Tandis que la crise ukrainienne menace la paix en Europe, notre éditorialiste Joseph Savès revient sur la genèse du conflit...
Vladimir Poutine montre ses muscles. Il occupe la Crimée pour déstabiliser l'Ukraine et la ramener dans le giron de Moscou. Faut-il s'en étonner ? Que nenni. C'est la même stratégie qu'il a employée à l'égard d'un autre satellite, la Géorgie, en 2008. Et l'opération a réussi au-delà de toute espérance, avec qui plus est la bénédiction des Occidentaux.
Mieux encore, le président de la République française de l'époque a donné un blanc-seing au gouvernement russe pour rééditer son coup, dans un entretien avec son homologue Dmitri Medvedev au Kremlin, mardi 11 août 2008. Qui s'en souvient ? Voici ce que nous écrivions à l'époque et que vous pouvez retrouver sur notre site  :
Extrait de notre éditorial du 18 août 2008 : Tout est dit dans une formule de Nicolas Sarkozy que les commentateurs, curieusement, n'ont pas relevé malgré son caractère stupéfiant : « Il est parfaitement normal que la Russie veuille défendre ses intérêts ainsi que ceux des Russes en Russie et des russophones à l'extérieur de la Russie ».
Cette formule empreinte d'un gros bon sens prudhommesque, dans la manière du président français, avalise de la pire façon qui soit le nouvel impérialisme russe. Elle légitime par avance une intervention russe dans les pays baltes, membres de l'Union européenne, pour le cas où des ressortissants russophones de ces pays viendraient à se plaindre d'être opprimés...
La Russie rejetée dans les confins
La crise ukrainienne est bien plus grave que la précédente car elle concerne un pays de 45 millions d'habitants au coeur de l'Europe et, qui plus est, suréquipé en installations nucléaires.
Cette crise est née d'une grosse maladresse des dirigeants européens qui ont fait un appel du pied à l'Ukraine sans mesurer l'importance vitale pour l'ensemble des Russes du lien qui les rattache à celle-ci. Nous l'avons souligné dans notre précédente analyse de la crise ukrainienne, en novembre 2013 :
Extrait de notre éditoral du 21 novembre 2013 : Mettons-nous un instant dans la peau d'un Russe de Moscou ou Vladivostok. Il n'est pas concevable pour lui que se dresse un « rideau de fer » entre son pays et l'Ukraine, entre la « Grande-Russie » et la « Petite-Russie ». Cela reviendrait à l'isoler complètement entre des mondes plus ou moins hostiles : l'Extrême-Orient chinois, l'Asie centrale turque, l'Europe atlantique.
On n'imagine pas davantage qu'il accepte un « rideau de fer » au sein même de l'Ukraine, entre une partie russophone qui reviendrait dans le giron russe et une partie occidentale, sans réalité historique, qui chercherait sa voie aux côtés d'une Union européenne désargentée et sans leadership.  
Quoi que pensent les Russes de leur président Poutine, de sa brutalité et de son autoritarisme, ne doutons pas qu'ils partagent sa volonté de conserver l'Ukraine - et la Biélorussie, ou « Russie blanche » - dans la sphère d'influence de Moscou. Si certains grands pays comme le Japon peuvent se délecter d'une solitude hautaine, il n'en va pas ainsi de la Russie qui, comme les autres États européens, a besoin d'être entourée d'amis et d'alliés.
La Russie intégrée à l'Europe
Après l'avertissement géorgien de 2008, il était proprement insensé de la part de Bruxelles de laisser croire à un partenariat avec Kiev qui replongerait Moscou dans une dramatique solitude.
Pour ne rien arranger, les principaux dirigeants européens ont snobé l'ouverture des Jeux de Sotchi, manquant l'occasion de rassurer le président russe sur les intentions de l'Union européenne. La Chine, le Japon ou encore la Turquie étaient quant à eux représentés au plus haut niveau, de même que l'ONU.
On me dira que le président et le vice-président américains ne se sont pas non plus dérangés à Sotchi. C'est qu'ils ont en commun avec les Russes d'agir selon ce qu'ils pensent être l'intérêt national. Tout le contraire des dirigeants européens qui seraient bien incapables de définir l'intérêt de l'Union, entre des Polonais qui rêvent de « libérer » les Ukrainiens, des Allemands qui veulent préserver leurs approvisionnements en gaz russe, des Français qui veulent on ne sait trop quoi etc.
Le gouvernement américain, donc, sait ce qu'il veut. Il veut attiser les cendres de la guerre froide selon la méthode employée avec brio en Géorgie et en Ukraine. De cette façon, il justifie la survie de l'OTAN et son protectorat sur le Vieux Continent. Qui plus est, il affaiblit la cohésion de l'Europe et son économie. Imaginons a contrario ce qu'il lui en aurait coûté si les Occidentaux avaient soutenu Mikhaïl Gorbatchev en 1991 quand il avait sollicité leur aide financière pour sauver son économie et ses réformes...
Plus près de nous, imaginons où nous en serions si nous avions accordé à Vladimir Poutine autant d'égards qu'aux autocrates du Quatar ou d'Arabie et si nous l'avions rassuré en démantelant l'OTAN, qui a perdu sa raison d'être avec la fin de la « guerre froide » (la vraie) et s'est discréditée au Kossovo, en Afghanistan et en Libye. « De l'Atlantique à l'Oural », selon le mot de De Gaulle, nous assisterions à l'ébauche d'un ensemble économique majeur, uni par l'Histoire et la civilisation... Mais sans doute n'est-ce pas ce que souhaitent les États-Unis et aussi la Chine, l'un et l'autre conscients de leur intérêt national.
Maintenant, bien malin qui peut dire le chemin qu'empruntera l'Histoire. On peut seulement être sûr de deux ou trois choses :
- Vladimir Poutine, avec sa brutalité coutumière et plus ou moins d'habileté, va tout mettre en oeuvre pour maintenir l'Ukraine dans l'orbite russe ; il bénéficie dans cette mission du total soutien de ses concitoyens,
- Le gouvernement américain va laisser pourrir la situation en veillant seulement à ce qu'elle ne dégénère pas,
- Comme à son habitude, l'Union européenne va tergiverser, soufflant le chaud et le froid (il est amusant qu'elle ait soudain trouvé dix milliards d'euros pour secourir l'Ukraine alors qu'il y a quatre mois, elle n'avançait que quelques centaines de millions, mais c'était avant le coup de force en Crimée).

Reste l'imprévisible : une manifestation de rue, des tirs de chars intempestifs, toutes choses qui échapperaient aux dirigeants.
                                                                                                                                                                                                                       Joseph Savès

II. tiré de http://www.diploweb.com/
La revue géopolitique on line
Kiev défie Poutine

Par Xavier GUILHOU , le 28 février 2014 

 
De nouveau , la presse occidentale titre avec exaltation et toujours avec un certain romantisme sur cette nouvelle « révolution » ukrainienne :
« Timochenko libérée ! Ianoukovitch démissionné ! Une nouvelle ère débute ! … ». Pour autant tous les chroniqueurs font preuve cette fois-ci de prudence et nuancent leurs analyses en se demandant avec un peu d’inquiétude si les événements de la place Maïdan ne seraient pas une «révolution de trop  », « la goutte d’eau qui pourrait faire déborder le vase », compte tenu du niveau de tensions qui règnent sur cette région de la Mer Noire, du Caucase, de la Caspienne et de la Méditerranée orientale. Tous, forts des enseignements récents et des convulsions en Lybie, en Egypte, en Tunisie, mais aussi actuellement dans les Balkans, s’interrogent sur les dérivées de ce nouvel épisode. La plupart savent par ailleurs que le rêve européen n’est qu’un miroir aux alouettes pour l’Ukraine et que l’UE ne pourra pas réellement l’assumer. Par ailleurs certains font remarquer que la plupart des signaux géopolitiques sur ces régions ne sont pas sans nous rappeler étrangement les causes de la Grande guerre dont nous célébrons le centenaire… Pour reprendre ce fameux mot de Marcel Achard : « La grande illusion , c’est la guerre, - La grande désillusion, c’est la paix !" Telle est désormais l’équation que Poutine doit traiter face à ce défi ukrainien.
Il est clair que le temps long de l’Histoire n’a rien à voir avec le temps court des médias. L’émotion twittée de l’infirmière, qui se meurt puis revit sur la place Maïdan, parait désormais bien fugace face à l’arrivée des bataillons d’experts occidentaux au chevet d’une Ukraine en défaut de paiement et sans réelle gouvernance. Pour autant, face à l’inexpugnable ours russe qui se sent encerclé et assailli dans sa tanière, à la réémergence discrète du Sonderweg [1] de Mme Merkel ou au basculement historique des Etats-Unis vers le Pacifique incarné par Obama, la réalité est d’un autre ordre. Certes il y a cette indéniable aspiration des peuples à rejoindre d’autres modèles de société et de gouvernance où la liberté, la démocratie, le bien être, la sécurité sont portés en exergue face à l’oppression, la pauvreté, les dictatures… Elle est non seulement légitime mais estimable. Pour autant nous ne pouvons pas conjointement sous-estimer l’instrumentalisation médiatique, portée par les tenants des droits de l’homme, qui l’accompagnent au titre de la modernité avec tous leurs réseaux. La place Maïdan n’a pas échappé à cette scénarisation très bien rodée auprès de nos opinions avec les divas habituelles des plateaux TV et ces agents d’influence de toutes les révolutions dites libérales de ces dernières décennies [2]. Maintenant, face au crescendo militaire auquel nous assistons, et qui n’est pas s’en rappeler la crise de Cuba (1962), nous ne pouvons nous satisfaire de ces formes récurrentes de catharsis collective et ignorer ce que sont les fondamentaux de la géopolitique, surtout sur une région aussi sensible pour l’équilibre de la sécurité mondiale.

Un agenda chargé

Les événements de la place Maïdan (novembre 2013-février 2014) convergent, comme par hasard, avec un agenda très dense et sensible au niveau mondial. Bien entendu personne n’a occulté le fait qu’ils se sont déroulés pendant les jeux olympiques d’hiver de Sotchi, contraignant Vladimir Poutine à un apparent silence pour ne pas gâcher sa fête et sa volonté d’affirmer au monde que la grande Russie était de retour. Etrange parallèle de l’Histoire, si nous rapprochons cette actualité avec celle des jeux olympiques de Pékin lorsque, dans la nuit du 7 au 8 août 2008, au moment de la cérémonie d’ouverture, Poutine lança une guerre éclair en Ossétie du sud pour répondre aux tentations d’émancipation de la Géorgie [3] , bien conseillée entre autre par les américains, et qui manifestait le souhait de rejoindre l’OTAN… Match nul : les réseaux occidentaux, qui soutiennent et conseillent début 2014 les opposants ukrainiens dans leur volonté de rejoindre l’Europe, ont bien retenu la leçon de leurs échecs sur le Caucase. Ils avaient à l’époque sous-estimé le coup de patte de l’ours russe qui ne négocie plus lorsque l’on s’amuse à toucher de près ou de loin à son « étranger proche », celui qui conditionne sa place, son rôle, sa sécurité et désormais son hégémonie dans les grands jeux mondiaux. En l’occurrence ce corridor caucasien constitue un nœud géostratégique pour le pétrole et le gaz de Bakou, d’Asie centrale, du Moyen-Orient et de l’Iran vers l’Europe et surtout vers la Chine. C’est aussi un nœud sécuritaire très sensible pour Moscou qui doit faire face aux groupes islamistes de Tchétchénie et du Daguestan. Poutine avait planifié dès 2006 l’opération sur Tbilissi pressentant cette obsession, notamment anglo-saxonne, de lui amputer son espace vital. Qu’a-t-il planifié pour l’Ukraine ? Est-il cette fois-ci surpris et déstabilisé ? Ou bien attendait-il les occidentaux pour les piéger ? Les scénarios sont ouverts y compris celui, forcément inconcevable pour les européens, d’un retour de la guerre.
Pourquoi cet emballement de nouveau sur Kiev ? Les experts en énergie diront : « pour les mêmes raisons que dans le Caucase et en Syrie», et nous pourrions ajouter « qu’en Asie centrale  » où les réseaux, notamment néo conservateurs américains, ont maintenu sans cesse la pression depuis 20 ans pour tenter d’obtenir des anciens satellites de l’URSS qu’ils basculent sous obédience occidentale, certes pour la démocratie mais surtout pour la richesse de leurs sous-sols… Ils n’y sont jamais arrivés, Vladimir Poutine étant plus coercitif et fin manœuvrier sur le terrain… En revanche sur la Mer Noire les manœuvres se sont durcies depuis un an avec une remise en cause des grands projets de gazoduc et de pipe-line sur l’ensemble de la région, surtout avec le règlement en cours de l’affaire iranienne qui clôt la stratégie du « Great Middle East » de la politique étrangère américaine.
Nabucco, South Stream et North-Stream : chacun de ces gazoducs a une signification géopolitique différente.
Les tracés adoptés modifient la carte des équilibres géostratégiques et ne sont pas neutres pour comprendre la sensibilité que revêt le verrou ukrainien. Jusqu’au mois de juillet 2013 deux projets s’affrontaient de part et d’autres de la Mer Noire pour alimenter l’Europe du sud. Le projet Nabucco au sud [4] était porté jusqu’à présent par la commission européenne, avec la bénédiction de Dick Cheney et de ses réseaux d’influence [5]. Il permettait au gaz de transiter par la Turquie, les Balkans, la Hongrie jusqu’à l’Autriche. Son concurrent, le projet South Stream passe plus au nord et est porté par un consortium Gazprom/ENI via la Mer Noire, la Bulgarie et la Serbie [6]. Les décisions entre autre de l’Azerbaïdjan de se rallier à South Stream et du Turkménistan de privilégier la demande chinoise, ont donné de fait à Vladimir Poutine une main considérable pour ses négociations avec l’Europe, mais aussi pour monter en puissance son projet d’Union eurasiatique [7]. Rappelons qu’il contrôle aussi au nord le réseau North-Stream qui transite par la Baltique pour approvisionner l’Allemagne au travers d’un consortium Gazprom, EOM, GDF [8]. La mise en échec de Nabucco, conjuguée au verrouillage du nœud syriaque par la diplomatie russe (avec l’accord discret des chinois) a radicalisé le jeu d’un certain nombre de réseaux européens et anglo-saxons dont les intérêts marchands et financiers sont menacés. Il faut ajouter à ce dossier les découvertes récentes de poches de gaz au large de Chypre, de la Syrie, du Liban, d’Israël et de Gaza avec le champ dit du Léviathan, dont les potentiels seraient aussi, sinon plus important, que les gisements qui sont exploités par le Qatar et l’Iran dans le golfe d’Oman...
Au premier degré nous retrouvons tous les jeux d’acteurs des opérateurs du monde de l’énergie, avec un certain nombre de majors américains et européens qui sont très visibles et actifs autour de Nabucco. Au deuxième degré il y a les éternels jeux discrets de la diplomatie d’affaire allemande qui joue son double jeu classique en bilatéral vis-à-vis de la Russie (ne jamais oublier que G. Schroeder est le conseiller de Gazprom), mais aussi en parallèle avec la Turquie, l’Iran, la Chine. Au troisième degré il y a les anciens équilibres que l’Occident a noués avec la dynastie saoudienne et les pays du Golfe autour de la sécurité énergétique, mais qu’Obama n’a plus envie désormais d’incarner et de soutenir. Au quatrième degré il y a tout ce repositionnement du barycentre énergétique qui est en cours depuis vingt ans sur le Tigre et l’Euphrate (Irak, Iran) avec l’affirmation d’un nouveau nœud géostratégique sur la Syrie, le Kurdistan et l’Asie centrale où la Russie joue un rôle de pivot incontournable notamment vis-à-vis des besoins de la Chine et de l’Europe [9]. Enfin il ne faut jamais oublier quel est le poids actuel de la Russie dans les marchés mondiaux du gaz et du pétrole [10], surtout dans cette phase post Fukushima (2011) qui génère des débats politiques aigus sur la transition énergétique au sein des pays européens.
Cette tectonique des plaques s’accompagne par ailleurs d’un repositionnement de plus en plus explicite de l’actuelle administration américaine sur l’Océan indien et sur le Pacifique, avec un transfert très conséquent de leurs moyens militaires, doublé d’un repli monétaire et économique au profit du continent nord américain et d’une volonté d’un retour à une autosuffisance énergétique, grâce aux gaz de schiste, pour assurer la survivance de leur modèle et la résistance de leur leadership. Ce basculement géostratégique voulu par Obama depuis son premier mandat ne fait pas l’unanimité à Washington. Il est notamment contesté par la plupart des milieux néoconservateurs, entre autre par les lobbies israéliens, qui voient d’un mauvais œil un affaiblissement de la posture américaine sur la zone du Proche et Moyen-Orient, en particulier pour le complexe militaro-industriel. De fait, ce repositionnement de la diplomatie américaine se traduit par une réémergence fulgurante des grandes puissances centrales sur l’ensemble de la région (Turquie, Egypte, Iran et Russie) qui conversent désormais entre elles en s’affranchissant des tutelles occidentales [11]. Elle se caractérise aussi par une implosion identitaire et religieuse du Moyen et Proche-Orient, avec le retrait progressif du parapluie américain. Cela se traduit par une radicalisation de cette Fitna [12] qui déchire le monde sunnite, à laquelle il faut ajouter cet affrontement historique et de plus en plus violent entre sunnite et chiite qui, des faubourgs de Bahreïn à ceux de Beyrouth, endeuille quotidiennement le monde arabo-musulman [13].

Vu de Moscou

Pour toutes ces raisons Moscou ne peut rester insensible aux évènements en Ukraine et à l’échec patent d’Ianoukovitch dans la maitrise de la violence sur cette place Maïdan, surtout si un « emballement démocratique » et une volonté de stigmatisation débouchait, comme dans les Balkans, sur des affrontements en ravivant les griefs ancestraux entre les communautés uniates et slaves [14]. Encore plus si l’agitation diplomatique et médiatique en cours suscitait une escalade avec une éventuelle scission de l’Ukraine en deux, voire en trois en jouant sur une velléité d’indépendance des Tatars sur la Crimée. Ces développements ne peuvent qu’être inacceptables pour Vladimir Poutine qui ne peut admettre les menaces sous-jacentes pour les intérêts vitaux de la Russie, mais aussi en termes d’effets collatéraux sur les autres pays d’Asie centrale et surtout vis-à-vis de son propre leadership personnel à Moscou. D’une part les exhortations de I. Timochenko, dans sa prise de parole très médiatisée du 22 février 2014, pour dupliquer cette révolution partout… jusque sous les murs du Kremlin, ne peuvent être ressenties que comme une provocation pour V. Poutine. Par ailleurs Vladimir Poutine ne pourra jamais admettre que la Crimée puisse passer, avec une indépendance ou une partition de l’Ukraine, sous contrôle de l’Europe et des intérêts occidentaux. Ce serait un casus belli ! Sébastopol, ne l’oublions pas, concentre une grande partie de la flotte russe [15], celle justement qui est en Abkhazie en appui de la stratégie caucasienne et surtout celle qui est sur les rivages alaouites du côté de Tartous en appui de l’allié syrien, ainsi qu’au large des zones grecque et chypriote en soutien des communautés orthodoxes. Ces navires de guerre qui croisent en Méditerranée orientale sur le flanc sud de la Turquie, et de fait de l’Otan ont ne l’oublions jamais leur base arrière en Crimée... Or l’Ukraine a passé un accord de 30 ans avec la Russie sur ce point contre un accord préférentiel sur les approvisionnements gaziers. Toucher à ce dossier sensible c’est s’attaquer aux racines les plus profondes de l’histoire russe [16]. C’est ignorer tous les fondamentaux de cette civilisation slave issue entre autre de l’histoire de l’empire byzantin et incarnée par le triangle historique « Novgorod, Saint-Pétersbourg, Kiev » [17]. Medvedev dans ses prises de position depuis le 23 février 2014 ne cesse de le préciser comme s’il s’agissait d’un avertissement solennel qui va bien au-delà les usages sémantiques pratiqués par les diplomates. La mobilisation de 150 000 hommes, 90 avions, plus de 120 hélicoptères, 880 tanks, 80 navires sur le flanc ouest de la Russie et la mise en alerte de la flotte de la Mer Noire n’est pas qu’une figure de style, notamment pour l’Otan…
Certes en jouant sur ce verrou ukrainien, les chancelleries et réseaux d’influence, qui sont vexées par l’échec de Genève II sur le règlement de la question syrienne, qui sont obligées d’assumer désormais une délocalisation dramatique de la gestion de cette crise sur le Liban, et qui ont perdu leurs capacités de gesticulations sur le Bosphore avec l’abandon de Nabucco, imaginent qu’ils vont faire plier Vladimir Poutine en l’obligeant à négocier cette fois-ci sur Kiev. C’est méconnaître l’intéressé et sous-estimer sa fierté, son cursus et sa pugnacité en matière géostratégique. C’est jouer avec l’ours en voulant le harceler dans sa tanière. Certes l’Occident a de nombreuses cordes à son arc dans cette bataille : la dette ukrainienne qui n’est pas sans conséquence sur l’économie russe, elle-même mise sous tension avec la guerre monétaire entre le dollar et le rouble [18] (comme toutes les monnaies des pays émergents), sans compter les cours du pétrole et du gaz qu’américains et saoudiens peuvent encore et de nouveau manipuler, ainsi que les taux d’intérêts qui dépendent de la politique plus ou moins accommodante de la FED, tout ceci se négociant actuellement dans les coulisses du G20…

La Russie se veut de nouveau une puissance

Mais Poutine n’est pas naïf. Il sait tout cela et il n’a pas oublié, lorsqu’il était encore au KGB, tous les enseignements qu’il a pu tiré de la chute de l’Union soviétique et de toutes les opérations menées par le couple Reagan-Bush dans les années 1980 pour casser l’hégémonie du système communiste. Depuis la Russie s’est redressée, elle détient des ressources énergétiques, financières, économiques mais aussi militaires qui ne peuvent être sous-estimées. Elle est aussi devenue une puissance globale au même titre que les Etats-Unis avec une présence géostratégique affirmée sur le Pacifique vis-à-vis de la Chine, en Méditerranée orientale vis-à-vis des grands jeux énergétiques mais aussi vis-à-vis de l’Arctique dans la perspective de l’ouverture de la route nord qui changera beaucoup de choses dans les rapports de force sur ce XXIème siècle. Elle contrôle avec beaucoup de fermeté et de proximité ses intérêts en Asie centrale. C’est une puissance spatiale, engagée dans l’univers des cyber-stratégies, bien au-delà la maitrise balistique des ADM. C’est surtout une puissance qui n’est plus seulement régionale, comme ce fut le cas après l’effondrement du communisme, mais de nouveau mondiale et qui entend bien exister avec sa singularité dans les grands jeux qui se reformulent notamment sur le Pacifique nord.
C’est ce que Poutine a voulu démontrer au travers des jeux de Sotchi. Néanmoins avec la place Maïdan, un certain nombre d’acteurs, qui aiment bien jouer depuis quelques temps avec des boites de Pandore, ont voulu le ridiculiser et l’enfermer dans un jeu régional. La fenêtre de tir était il faut l’avouer tentante. Est-ce que l’opportunité va se transformer en piège, notamment pour les européens ? Où est ce que le "tsar" va admettre qu’il a perdu une bataille en acceptant de se replier en deçà du Dniepr ? N’oublions pas que Poutine détient l’arme du gaz, pratique l’effet de surprise et surtout n’a peur de rien ! C’est un patriote au sens où il entend incarner de nouveau l’histoire de la Sainte Mère Russie (Родина-Мать). Ces critères sont bien entendu très éloignés de nos référentiels démocratiques et des modes de représentation véhiculés par les médias occidentaux. Pour autant ils constituent un préalable incontournable pour bien cerner le personnage dont la longévité politique et l’audace géopolitique défient jusqu’à présent tous les pronostics.

La situation reste ouverte

La plupart des grands experts de la Russie et plusieurs grands diplomates ont appelé à la plus grande prudence et à un retour à une certaine modération dans l’exaltation démocratique du moment. D’autant que les termes de la nouvelle gouvernance de l’Ukraine, avant les éventuelles élections de mai 2014, sont loin d’être fiables et stabilisés. Tous sont unanimes pour avouer que les niveaux de corruption pratiqués par l’ensemble des leaders ukrainiens sont irrecevables et qu’ils posent concrètement de vraies questions de stabilisation pour ce pays désormais profondément divisé. Problèmes de gouvernance qu’aucun pays européen, il faut bien l’avouer, n’est à même d’assumer réellement, encore moins sur le plan sécuritaire. Par ailleurs le niveau de défaillance financière avec un défaut de paiement de l’ordre de 35 milliards de dollars et la quasi disparition d’un Etat ne sont pas de nature à faciliter une sortie de crise par le haut. Tous ont par ailleurs rappelé que Vladimir Poutine n’était pas n’importe qui, que nous avions affaire à un nouveau « tsar » et qu’il serait très aventureux, entre autre pour l’Europe, de générer sur ce verrou ukrainien les germes d’une nouvelle guerre civile ou division civilisationnelle, comme en ex-Yougoslavie. Elle ne ferait qu’enflammer la fierté russe, la solidarité panslavique et ranimer la discorde entre le monde chrétien et le monde orthodoxe. Cela mettrait en échec vingt ans d’efforts bilatéraux pour apaiser les relations entre ces deux civilisations, berceaux de toute l’histoire du continent européen. Dans le jeu ambivalent de la diplomatie américaine, et même allemande, à laquelle les anglais apportent une fois de plus leur quitus ambigu (comme si les expéditions dans les Dardanelles et en Crimée ne leur avaient rien appris), il est clair que certains essayent de calmer leurs réseaux d’affaire et leurs lobbies sur ce dossier comme le demande Sergueï Lavrov [19], alors que d’autres allument joyeusement les mèches, les polonais et français n’étant pas parmi les derniers…
Il n’est pas certain que cette agitation soit totalement du goût de Barack Obama et de John Kerry qui passent actuellement beaucoup de temps sur le Pacifique nord pour calmer les coréens et japonais face à la montée de l’hégémonie chinoise. Ils ont par ailleurs sur leurs propres zones d’intérêts stratégiques en ASEAN et dans les Caraïbes d’autres évènements tout aussi sensibles à gérer avec le Venezuela et la Thaïlande dont les pics de colère font autant de victimes que l’Ukraine (mais avec beaucoup moins d’échos dans nos médias européens). Il n’est pas certain que ce réchauffement géostratégique sur cette région de la Mer Noire soit vraiment opportun pour eux alors qu’ils essayent de se dégager par tous les moyens et en souplesse de cette zone complexe où tous les prétextes sont bons pour les obliger à revenir en termes d’arbitrage et de régulation [20]. Ils ont à peine réussi à se sortir momentanément du piège syrien (paradoxalement grâce aux russes) qu’ils se retrouvent de nouveau embarqués dans le piège ukrainien… Pour autant ils ne peuvent pas déjuger J-M Barroso et leurs alliés à la veille d’élections importantes pour la survie du projet européen, mais aussi à la veille d’importantes négociations sur une éventuelle signature d’un accord de libre échange entre les Etats-Unis et l’UE [21]. Le jeu est complexe côté occidental et Vladimir Poutine le sait parfaitement. Il sait que personne n’ira se battre militairement pour l’Ukraine, excepté les soldats russes qui ont la mémoire de Stalingrad.
Qui est prêt à mettre plusieurs dizaines de milliards d’euros sur la table pendant plusieurs dizaines d’années ?
Il sait qu’aucun argentier occidental ne fera un chèque de 35 milliards à fonds perdu sans un minimum de garantie de bonne gouvernance. A commencer par le FMI qui est actuellement poussé en avant pour jouer le rôle de pompier après le passage des pyromanes. Il sait surtout que l’Ukraine ne peut pas exister sans le gaz et l’aide de la Russie dans tous les domaines… Pour qu’une OPA, voire une OPE, fonctionne il faut que les fondamentaux de l’opération soient sains et durables. Or le "tsar" sait que ces derniers sont explosifs et sans avenir immédiat. Le temps joue pour lui et paradoxalement contre les occidentaux : s’il coupe le gaz, s’il commence à jouer sur les irrédentismes civilisationnels de part et d’autre du Dniepr et s’il décide de monter la pression sécuritaire en dénonçant les menaces sur les populations russophones de la région (Transnistrie, Crimée,…) nous n’aurons plus qu’à nous replonger dans les livres d’histoire pour revisiter nos expéditions désastreuses en Orient [22] à moins que nous soyons tout simplement ridiculisés par notre incapacité chronique à répondre à ce type de défi…
Dans ce jeu de poker menteur oublier la Russie ou la mépriser constituerait une grave erreur dans le traitement de cette crise très sensible. Rien ne pourra être envisagé sur ce dossier sans Vladimir Poutine. Qu’elle que soit l’opinion que l’on a de l’intéressé et de ses méthodes de gouvernance, mais aussi qu’elle que soit l’admiration que l’on puisse porter vis-à-vis de tous ces ukrainiens qui se sont levés pour plus de dignité et de liberté, la solution n’est pas qu’à Bruxelles, à Berlin ou Washington, elle est aussi et surtout à Moscou ! Les relations internationales ne sont pas qu’une pièce de théâtre médiatique, elles peuvent être aussi à la base de grandes tragédies historiques qui commencent toujours quand l’hubris et l’hégémon sont utilisés sans discernement. Plus que jamais sur l’ensemble de cette partie orientale de la Méditerranée, de la Mer Noire et de la Caspienne, il faut faire preuve de prudence et d’intelligence. Toutes les mèches sont en train de s’allumer sur de multiples barils de poudre qui rappellent à tout le monde que le temps long de l’Histoire est plus dimensionnant que le commentaire médiatique. Gare au coup de patte de l’ours s’il se sent acculé. Il peut se dresser pour grogner mais il peut aussi se défendre parce qu’il se sent attaqué sur l’intégrité de son territoire… La mise sous tension de l’ensemble des forces russes sur le front occidental pour des manœuvres d’envergure de la Baltique à la Mer Noire surprend tous les commentateurs sauf ceux qui connaissent bien Vladimir Poutine !
Maintenant, au-delà les discours romantiques et vertueux de la place Maïdan, avons-nous le courage d’aller réellement l’affronter sur les rives du Dniepr, nous qui n’avons même plus les moyens d’aller en Syrie, qui ne sommes pas capables de monter de véritables coalitions européennes pour traiter les crises africaines et qui nous confinons dans une velléité réduite aux plateaux télévisés ? Poutine le sait mieux que quiconque, il connait parfaitement l’impuissance de nos puissances [23]. Il sait aussi que nous sommes dans une phase très délicate de déconstruction de l’ordre mondial issu de Yalta, et qu’il doit préserver ses capacités de manœuvre pour consolider l’avenir. Mais peut-il admettre pour autant l’offense et les germes de déstabilisation sous-jacents vis-à-vis de sa stratégie de restauration du rayonnement de la grande Russie ? La guerre n’est jamais une finalité en soi sans un but politique, mais une déstabilisation géopolitique légitime toujours une guerre. En Syrie, Poutine a réussi à mettre en «  échec » le jeu des occidentaux et de leurs alliés du Golfe. Sur Kiev ces derniers viennent de pratiquer une manœuvre aventureuse pour « roquer [24] » les pièces maitresses du Kremlin. Désormais Poutine n’a plus le choix, il doit mettre l’Europe, et les actionnaires de cette opération Maïdan, en « échec et mat  » en les divisant et en les effrayant, voire en les brutalisant afin qu’ils comprennent qu’il y a des limites à ne pas franchir... Il en va tout simplement de sa survie politique ! L’affrontement parait inévitable et la bataille du Dniepr ne fait que commencer.

Manuscrit clos le 27 février 2013
Copyright Février 2014-Guilhou/Diploweb.com





[1 ] « Sonderweg » : « le chemin particulier de l’Allemagne »- cf. Jean Pierre Chevènement 1914-2014 « L’Europe sortie de l’Histoire ? » Fayard – déc. 2013
[2 ] cf. les actions menées par la fondation Freedom Zone et comment les Etats-Unis préparent les révolutions colorées : agoravox.tv/actualites/international/article/comment-les-usa-preparent-les-43719
[3 ] Suite à cette opération sur l’Ossétie du Sud et Abkhazie, 20% du territoire national géorgien est contrôlé par les forces russes. La Russie a reconnu l’indépendance de ces deux régions et a installé de nouvelles bases militaires dotées d’une forte présence militaire russe avec un armement lourd offensif. Cela signifie que la Russie est aujourd’hui à 50 kilomètres de la capitale géorgienne, Tbilissi.
[4 ] rfi.fr/emission/20130627-gazoduc-nabucco-verra-pas-jour
[5 ] fr.ria.ru/analysis/20080903/116530047.html
[6 ] south-stream.info/ ?L=1
[7 ] institut-thomas-more.org/fr/actualite/de-la-communaute-des-etats-independants-a-lunion-eurasienne-un-projet-russo-turcique.html
[8 ] nord-stream.com
[9 ] Voir Diploweb – Xavier Guilhou : « l’énigme syrienne » http://www.diploweb.com/L-enigme-sy...
[10 ] institut-thomas-more.org/fr/actualite/la-russie-leurope-et-le-gaz-une-guerre-de-lenergie-.html
[11 ] Cf. Les dernières rencontres entre le général Sissi et Vladimir Poutine sur l’aide à apporter à l’Egypte en substitution à celle des USA : rfi.fr/europe/20140213-russie-egypte-poutine-soutien-sissi
[12 ] « Fitna » signifie en arabe la division fr.wikipedia.org/wiki/Fitna
[13 ] Cf. Diploweb Xavier Guilhou : « Un islamisme séculier ? Au-delà des « révoltes », quel devenir pour le monde arabe » http://www.diploweb.com/Un-islamism...
[14 ] regard-est.com/home/breve_contenu.php ?id=167 la-croix.com/Religion/Actualite/Staline-a-voulu-la-fin-de-l-Eglise-greco-catholique-d-Ukraine-_NG_-2009-08-10-538085
[15 ] lefigaro.fr/international/2010/04/21/01003-20100421ARTFIG00458-la-flotte-russe-reste-a-sebastopol-pour-trente-ans-.php
[16 ] fr.wikipedia.org/wiki/Marine_imp%C3%A9riale_de_Russie
[17 ] Cf. Edward Rutherfurd, « Russka » Les Presses de la cité 2008
[18 ] globalresearch.ca/the-bricso-vs-the-us-dollar-what-will-happen-to-the-global-economy-if-brics-announce-launch-of-new-currency/5353714
[19 ] Le ministre des affaires étrangères russe qui est en première ligne sur tous les fronts syriens, chypriotes, caucasiens, et ukrainiens orientlejour.com/article/856193/lavrov-critique-ceux-qui-voudraient-forcer-la-main-de-lukraine.html
[20 ] Cf. édito Xavier Guilhou : « Crash ou guerre ? » août 2012 xavierguilhou.com/clients/guilhou/site_xavier.nsf/005546776102f9f0c1256d09002800c8/a44948df9340ad3cc125730900514c51/$FILE/Crash%20ou%20guerre.pdf
[21 ] lemonde.fr/economie/article/2013/11/11/libre-echange-les-negociations-entre-les-etats-unis-et-l-europe-s-annoncent-longues_3511519_3234.html
[22 ] Cf. Pierre Miquel « Les poilus d’Orient » Fayard fevrier 1998
[23 ] Cf. Bertrand Badie « L’impuissance de la puissance » chez Biblis sept 2013.
[24 ] fr.wikipedia.org/wiki/Roque_(%C3%A9checs)



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Tiré du site : http://www.ahmedbensaada.com/


 
Ukraine: autopsie d’un coup d’état

Lundi, 03 Mars 2014 20:14 Ahmed Bensaada

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Ukraine: autopsie d’un coup d’état

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Le mouvement de contestation  (baptisé « Euromaïdan ») qu’a récemment vécu l’Ukraine, est intéressant à plusieurs égards. Il montre comment un coup d’état civil contre un gouvernement démocratiquement élu peut être fomenté avec succès avec un appui étranger et sans intervention militaire. Il dévoile la flagrante partialité et le manque d’intégrité des médias mainstream occidentaux qui, avec une argumentation fallacieuse, appuient aveuglément l’interventionnisme occidental et, avec une vision dichotomique de la situation, qualifient les uns de bons et les autres de mauvais. Plus grave encore, il dessine les contours, jusqu’alors vaporeux, de la renaissance de la guerre froide qu’on croyait enterrée avec la chute du mur de Berlin. Finalement, il nous offre une projection probable de la situation des pays arabes « printanisés » dans la mesure où l’Ukraine a connu son « printemps » en 2004, printemps communément appelé « révolution orange ».

Mais pour comprendre la situation ukrainienne actuelle, il est primordial de passer en revue quelques dates importantes  ainsi que les noms des acteurs majeurs de la politique ukrainienne de l’après ère soviétique.

 
 
 

 
 
 

1991

L’Ukraine se sépare de l’URSS.

1991-1994

Leonid Kravtchouk (ancien dirigeant de l’ère soviétique) est le 1er président de l’Ukraine.

1991

Ioulia Timochenko crée la « Compagnie du pétrole ukrainien »

1992-1993

Leonid Koutchma (pro-russe) est Premier ministre sous la présidence Kravtchouk. Il démissionnera en 1993 pour se présenter aux élections présidentielles de l’année suivante.

1994-1999

Leonid Koutchma est le 2e président de l’Ukraine.

1995

Ioulia Timochenko réorganise sa société pour fonder, avec l’aide de Pavlo Lazarenko, la compagnie de distribution d'hydrocarbures « Systèmes énergétiques unis d'Ukraine » (SEUU).

1995

Pavlo Lazarenko est nommé vice-Premier ministre chargé de l’énergie.

1996

La SEUU fait 10 milliards de dollars de chiffre d’affaires et rapporte 4 milliards de profits.

1996-1997

Pavlo Lazarenko est Premier ministre sous la présidence Koutchma.

1997

Pavlo Lazarenko est congédié par le président Koutchma.

1998

Lazarenko est arrêté par la police suisse à la frontière franco-helvétique et accusé par les autorités de Berne de blanchiment d’argent.

1999

Lazarenko est arrêté à l'aéroport JFK de New-York. Il est condamné en 2004 pour blanchiment d'argent (114 milliards de dollars), corruption et fraude.

1999-2005

Leonid Koutchma est président de l’Ukraine après sa réélection.

1999-2001

 

Viktor Iouchtchenko est Premier ministre sous la présidence Koutchma.

Ioulia Timochenko est vice-Premier ministre chargée de l’énergie (poste qui a été déjà occupé par Lazarenko).

2001

 

Ioulia Timochenko est congédiée par le président  Koutchma en janvier 2001. Elle est accusée de « contrebande et de falsification de documents », pour avoir frauduleusement importé du gaz russe en 1996, lorsqu’elle était présidente de SEUU.

Timochenko est arrêtée et fera 41 jours de prison. La justice se penche sur son activité dans le secteur de l’énergie durant les années 1990 et sur ses liens avec Lazarenko.

2002-2005

Dauphin de Koutchma, Viktor Ianoukovytch (pro-russe) est Premier ministre sous sa présidence.

2004

 

L’élection présidentielle oppose le Premier ministre en poste Viktor Ianoukovytch et l'ancien Premier ministre et leader de l'opposition Viktor Iouchtchenko (pro-occident). Le 2e tour est remporté par Ianoukovytch (49,46 contre 46,61) %. Le résultat est contesté car, selon l’opposition, les élections sont entachées de fraude.

Révolution orange : Mouvement de protestation populaire pro-occidental largement soutenu par les organismes occidentaux d’ « exportation » de la démocratie, en particulier américains. Ioulia Timochenko est considérée comme l’égérie de ce mouvement. Principal résultat de cette « révolution » : annulation du second tour des présidentielles.

Un troisième tour des élections présidentielles est organisé : Iouchtchenko est élu (51,99 contre 44,19%)

2005-2010

Viktor Iouchtchenko est le 3e président de l’Ukraine.

2005 (7 mois)

Ioulia Timochenko est Premier ministre sous la présidence Iouchtchenko

2006-2007

Viktor Ianoukovytch est Premier ministre sous la  présidence Iouchtchenko.

2007-2010

Ioulia Timochenko est une seconde fois Premier ministre sous la présidence Iouchtchenko.

2010

Élections présidentielles.

Résultats du premier tour : 1er - Ianoukovytch (35,32%);

2e - Timochenko (25,05%) et 5e -Iouchtchenko (5,45%).

Second tour : Ianoukovytch bat Timochenko (48,95% contre 45,47%).

2010-2014

Viktor Ianoukovytch est le 4e président de l’Ukraine.

2011

Ioulia Timochenko est condamnée à sept ans d'emprisonnement pour abus de pouvoir dans le cadre de contrats gaziers signés entre l'Ukraine et la Russie en 2009.

 


Leonid Kravtchouk Leonid Koutchma



Viktor Iouchtchenko Ioulia Timochenko
Pavlo Lazarenko Viktor Ianoukovytch

 


Ligne de temps politique de l'Ukraine (Merci à Benoit G.-L.)

 

Un coup d’État plébiscité par l’Occident

Ce qui vient de se passer en Ukraine ces derniers jours est un véritable coup d’État. En effet, le président Viktor Ianoukovytch a été démocratiquement élu le 7 février 2010 en battant Ioulia Timochenko au second tour des élections présidentielles (48,95 % des voix contre 45,47 %).

Évidemment, Timochenko n’avait pas immédiatement accepté le verdict des urnes [1].  Il y a sûrement eu fraude quelque part puisqu’elle était, lors des élections, Premier ministre en exercice et que Viktor Iouchtchenko était président du pays. Les deux figures emblématiques de la Révolution orange, très largement soutenus par les pays occidentaux, ceux-là même qui étaient supposés faire entrer l’Ukraine dans une ère nouvelle, celle de la démocratie et de la prospérité, ont été largement battus par un candidat pro-russe. Et quel candidat! Ianoukovytch! Celui qui avait été « conspué » par les activistes de la vague orange de 2004. En moins de six ans, les Ukrainiens avaient compris que cette « Révolution » colorée n’en était pas une.

Le 8 février 2010, Joao Soares, le président de l'Assemblée parlementaire de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) déclara : « L'élection a offert une démonstration impressionnante de démocratie. C'est une victoire pour tout le monde en Ukraine. Il est temps maintenant pour les dirigeants politiques du pays d'écouter le verdict du peuple et de faire en sorte que la transition de pouvoir soit pacifique et constructive » [2].

Sans trop de conviction, mais placée devant l’évidence du verdict des observateurs internationaux, Timochenko finit par retirer son recours en justice visant à invalider le résultat de l'élection [3].

Les « révoltés » de la place Maïdan reprochent à Ianoukovytch d’avoir décidé de suspendre un accord entre son pays et l’Union Européenne (UE). Et une question fondamentale se pose : en démocratie, et dans le cadre des prérogatives de sa fonction, un président en exercice a-t-il le droit de signer les accords qu’il juge bénéfiques pour son pays? La réponse est oui, d’autant plus que de nombreux spécialistes pensent que cet accord était néfaste pour l’économie de l’Ukraine.

Ainsi, selon David Teurtrie, chercheur à l’Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO, Paris): « La proposition faite à l’Ukraine a été, comme je l’appellerais, une stratégie perdant-perdant. Pourquoi? L’accord correspondait à la mise en place  d’une zone de libre-échange entre l’UE et l’Ukraine. Mais cette zone de libre-échange était très défavorable pour l’Ukraine parce qu’elle ouvrait le marché ukrainien aux produits européens et elle entrouvrait le marché européen aux produits ukrainiens qui ne sont en majeure partie pas concurrentiels sur le marché occidental. Nous voyons donc que l’avantage est assez peu évident pour l’Ukraine. Pour simplifier, l’Ukraine prenait sur elle tous les désavantages de cette libéralisation du commerce avec l’UE et ne recevait aucun avantage » [4].

L’économiste russe Sergueï Glaziev est lui aussi du même avis : « Toutes les estimations, incluant celles des analystes européens, font part d’un ralentissement inévitable dans la production de biens ukrainiens dans les premières années suivant la signature de l’Accord d’association, puisqu’ils sont condamnés à une perte de compétitivité par rapport aux produits européens » [5].

Nonobstant la sensibilité pro-russe de Ianoukovytch, il est clair que la proposition russe était beaucoup plus intéressante pour l’Ukraine que celle avancée par les Européens.  « L’UE ne promet pas la lune aux manifestants... juste la Grèce » titrait ironiquement le journal l’Humanité [6].

Après les émeutes sanglantes de Kiev, de nombreux pays occidentaux se sont curieusement empressés de déclarer qu’ils étaient prêts à soutenir « un nouveau gouvernement » en Ukraine [7], c’est-à-dire de reconnaître implicitement un coup d’état. Au lieu d’attiser la violence et de financer les barricades, ces pays n’auraient pas dû offrir leurs services pour calmer les esprits et attendre les prochaines élections, comme le dicte les  fondements de la démocratie qu’ils essaient d’exporter en Ukraine et ailleurs dans le monde?

 

Petites précisions sur la « révolution » orange

La « révolution » orange fait partie d’une série de révoltes baptisées « révolutions colorées », qui se sont déroulées dans les pays de l’Est et surtout les ex-Républiques soviétiques durant les années 2000. Celles qui ont abouti à un changement du gouvernement en place ont touché la Serbie (2000), la Géorgie (2003), l’Ukraine (2004) et le Kirghizstan (2005).

Dans un article exhaustif et très détaillé sur le rôle des États-Unis dans les  révolutions colorées, G. Sussman et S. Krader de la Portland State University mentionnent dans leur résumé : « Entre 2000 et 2005, les gouvernements alliés de la Russie en Serbie, en Géorgie, en Ukraine et au Kirghizistan ont été renversés par des révoltes sans effusion de sang. Bien que les médias occidentaux en général prétendent que ces soulèvements sont spontanés, indigènes et populaires (pouvoir du peuple), les « révolutions colorées » sont en fait le résultat d’une vaste planification. Les États-Unis, en particulier, et leurs alliés ont exercé sur les États postcommunistes un impressionnant assortiment de pressions et ont utilisé des financements et des technologies au service de l’aide à la démocratie » [8].

Une dissection des techniques utilisées lors de ces « révolutions » montre qu’elles ont toutes le même modus operandi. Plusieurs mouvements ont été mis en place pour conduire ces révoltes: Otpor (« Résistance ») en Serbie, Kmara (« C’est assez! ») en Géorgie, Pora (« C’est l’heure ») en Ukraine et KelKel (« Renaissance ») au Kirghizistan. Le premier d’entre eux, Otpor, est celui qui a causé la chute du régime serbe de Slobodan Miloševic. Après ce succès, il a aidé, conseillé et formé tous les autres mouvements par l’intermédiaire d’une officine spécialement conçue pour cette tâche, le Center for Applied Non Violent Action and Strategies (CANVAS) qui est domiciliée dans la capitale serbe. CANVAS forme des dissidents en herbe à travers le monde à  l’application de la résistance individuelle non violente, idéologie théorisée par le philosophe et politologue américain Gene Sharp dont l’ouvrage « From Dictatorship to Democracy » (De la dictature à la démocratie) a été à la base de toutes les révolutions colorées.

 


Manifestants de la "révolution" orange

Aussi bien CANVAS que les différents mouvements dissidents ont bénéficié de l’aide de nombreuses organisations américaines d’ « exportation » de la démocratie comme l’United States Agency for International Development (USAID), la National Endowment for Democracy (NED), l’International Republican Institute (IRI), le National Democratic Institute for International Affairs (NDI), la Freedom House (FH), l’Albert Einstein Institution et l’Open Society Institute (OSI). Ces organismes sont financés par le budget américain ou par des capitaux privés américains. À titre d’exemple, la NED est financée par un budget voté par le Congrès et les fonds sont gérés par un conseil d’administration où sont représentés le Parti républicain, le Parti démocrate, la Chambre de commerce des États-Unis et le syndicat American Federation of Labor-Congress of Industrial Organization (AFL-CIO), alors que l’OSI fait partie de la Fondation Soros, du nom de son fondateur George Soros, le milliardaire américain, illustre spéculateur financier. Il est aussi intéressant de noter que le conseil d’administration de l’IRI est présidé par le sénateur John McCain, le candidat défait de la présidentielle américaine de 2008. L’implication de McCain dans les  révolutions colorées est clairement établie dans l’excellent documentaire que la reporter française Manon Loizeau a consacré aux révolutions colorées [9].  On comprend alors aisément pourquoi le sénateur s’est récemment précipité à  Kiev pour soutenir les émeutiers ukrainiens. On comprend aussi pourquoi la Russie a durci le ton concernant les ONG étrangères présentes sur son sol et la raison qui a motivé l’expulsion de l’USAID de son territoire [10].

La relation entre le mouvement ukrainien « Pora » et ces organisations américaines est explicitée par Ian Traynor dans un remarquable article publié par The Guardian en novembre 2004 [11].

« Officiellement, le gouvernement américain a dépensé, pendant une année, 41 millions de dollars pour l'organisation et le financement de l'opération qui a permis de se débarrasser de Miloševic […]. En Ukraine, le chiffre doit tourner autour de 14 millions de dollars », explique-t-il.

Ioulia Timochenko et Viktor Iouchtchenko sont considérés comme les figures de proue de la révolution orange. Soutenu par les Occidentaux, ce mouvement obtient l’annulation du second tour de l’élection présidentielle de 2004 initialement remporté par Viktor Ianoukovytch contre Viktor Iouchtchenko. Le « troisième » tour donne finalement la victoire à Iouchtchenko qui devient le 3e président de l’Ukraine à la grande joie des Américains et des Européens.

Fier de ses réussites « révolutionnaires » colorées, le belliqueux sénateur McCain a déclaré qu’il avait proposé au prix Nobel de la Paix les candidatures de Viktor Iouchtchenko et de son homologue géorgien pro-occidental Mikhail Saakashvili [12]. Il fit un voyage à Kiev en février 2005 [13] pour féliciter son « poulain » et peut-être aussi pour lui montrer qu’il avait quelque chose à voir avec son élection.

À peine nommé président, Iouchtchenko s’empressa de nommer Timochenko au poste de Premier ministre mais la « lune de miel » entre les compagnons de la  révolution ne fit pas long feu. Bien qu’encensé par l’Occident, le couple Iouchtchenko-Timochenko s’avère boiteux et ses résultats sont très décevants.

Voici comment Justin Raimondo décrit le bilan de la magistrature  Iouchtchenko (2005-2010): «  Aujourd’hui, l'éclat orange de sa révolution étant révolu depuis longtemps, son régime s'est avéré être tout aussi incompétent et truffé de copinage comme ses prédécesseurs corrompus et vénaux, si ce n'est plus. Une grande partie de " l'aide " monétaire occidentale a disparu […]. Pire encore, l'économie a été paralysée par l'imposition de contrôles des prix et corrompue par un trafic d’influence éhonté. Sous l'accord de partage de pouvoir entre M. Iouchtchenko et la volatile Ioulia Timochenko, la «  princesse du gaz » et oligarque amazone, le pays s'est désintégré, non seulement économiquement mais aussi socialement […]. La baisse radicale de l'économie et les scandales en cours qui sont devenus des événements quotidiens pendant l'administration de M. Iouchtchenko ont conduit à la marginalisation complète du vénéré orange révolutionnaire: au premier tour de l'élection présidentielle [2010], il a obtenu un humiliant 5 pour cent des voix. Hors de la course, et sans avoir besoin de faire semblant plus longtemps, M. Iouchtchenko a lancé une véritable bombe dans l'arène politique en honorant Stepan Bandera, le nationaliste ukrainien et collaborateur des nazis, comme un " Héros de l'Ukraine " » [14].

Notons finalement que les organisations américaines d’ « exportation » de la démocratie ont été largement impliquées dans ce qui est communément appelé le « printemps » arabe. Les jeunes activistes arabes ont été formés à la résistance individuelle non violente par CANVAS  et à la cyberdissidence par des organismes américains comme l’Alliance of Youth Movements (AYM) elle-même sponsorisée par le Département d’État ainsi que les géants américains des nouvelles technologies comme Google, Facebook ou Twitter [15].

 

 

Les « gentils » émeutiers de la place Maïdan

Malgré la grande diversité de la  « faune » révolutionnaire qui a occupé la place Maïdan à Kiev, les observateurs s’accordent à reconnaître que la dissidence est composée de quatre différents groupes positionnés sur un spectre politique allant de la droite à l’extrême-droite.

Tout d’abord, il y a « Batkivshina » ou Union panukrainienne « Patrie » qui est un parti politique dont le leader est Ioulia Timochenko, secondée par Olexandre Tourtchinov, un ami de longue date, considéré comme son « fidèle écuyer » [16].  C’est ce dernier qui a été récemment nommé président intérimaire de l’Ukraine après le départ de Ianoukovytch.


Olexandre Tourtchinov et Ioulia Timochenko

Fondé en 1999, Batkivshina est un parti libéral pro-européen. Il est membre observateur du Parti populaire européen (PPE) qui rassemble les principaux partis de la droite européenne dont le CDU (Union chrétienne-démocrate d'Allemagne) de la chancelière allemande Angela Merkel. À noter que la Fondation Konrad Adenauer (Konrad Adenauer Stiftung), think tank du CDU, est aussi affilié au PPE. D’autre part, le PPE entretient des relations étroites avec l’International Republican Institute (IRI). Wilfried Martens, le président du PPE de l’époque, a soutenu John McCain lors de l’élection présidentielle américaine de 2008 [17].  Bien sûr, comme précisé précédemment, John McCain est aussi et surtout président du CA de l’IRI.

Selon un des responsables du « Mejlis of the Crimean Tatar People », mouvement associé au parti « Patrie », l’IRI est actif en Ukraine depuis plus de 10 années, c’est-à-dire qu’il n’aurait jamais quitté le territoire depuis la révolution orange [18].

Arseni Iatseniouk, personnalité pro-occidentale de premier plan de la vie politique ukrainienne, est considéré comme un   « leader phare de la contestation en Ukraine » [19].  Pur produit de la révolution orange (il a occupé des postes ministériels sous la présidence Iouchtchenko), il a d’abord créé son propre parti (le Front pour le changement) avant de rejoindre les rangs de Batkivshina et de se rapprocher de Timochenko. Iatseniouk, qui vient d’être désigné premier ministre, a été plébiscité par les émeutiers de la place Maïdan. Il a pour mission de diriger un gouvernement d'union nationale avant l'élection présidentielle anticipée prévue le 25 mai 2014 [20].


Arseni Iatseniouk

Le second parti impliqué dans la violente contestation ukrainienne est l’UDAR (Alliance démocratique ukrainienne pour la réforme). Ce parti, libéral et pro-européen lui aussi, a été créé en 2010 par la fusion de deux partis dont l’un est le parti Pora, issu du mouvement de jeunes qui avait été à l’avant-garde de la révolution orange dont on a discuté auparavant. UDAR (qui veut dire « coup » en Ukrainien) est dirigé par le boxeur et ex-champion du monde des poids-lourds Vitali Klitschko. Né au Kirghizstan, Klitschko est ukrainien mais a vécu à Hambourg et Los Angeles pendant plusieurs années, de sorte que ses trois enfants sont de nationalité américaine car nés aux États-Unis [21].

 


Vitali Klitschko

Une rapide navigation sur le site du parti permet de se rendre compte qu’UDAR compte parmi ses uniques partenaires étrangers : l’IRI (de McCain), le NDI (présidé par Madeleine K. Albright, l’ancienne secrétaire d’État américaine) et le CDU (de Merkel). Notons ici que l’IRI et le NDI sont deux des quatre organisations satellites de la NED.

 


Les partenaires de l'UDAR (Photo de la page publiée sur le site officiel du parti)

 

Dans un rapport du German Foreign Policy intitulé « Notre homme à Kiev » datant de décembre 2013, on peut lire à propos de Klitschko et de son parti : « Selon les rapports de presse, le gouvernement allemand aimerait que le champion de boxe Vitali Klitschko brigue la présidence pour l'amener au pouvoir en Ukraine. Il souhaite améliorer la popularité de la politique de l'opposition en organisant, par exemple, des apparitions publiques conjointes avec le ministre des Affaires étrangères allemand. A cet effet, une réunion est également prévue pour Klitschko avec la chancelière Merkel lors du prochain sommet de l'UE à la mi-Décembre. La Fondation Konrad Adenauer a, en effet, non seulement soutenu massivement Klitschko et son parti UDAR, mais selon un politicien de la CDU, le parti UDAR a été fondée en 2010 sur les ordres directs de la fondation de la CDU. Les rapports sur les activités de la Fondation pour le développement du parti de Klitschko donnent une indication de la façon avec laquelle les Allemands influencent les affaires intérieures de l'Ukraine via UDAR » [22]. Ainsi, UDAR serait une création du CDU, ce qui explique la forte implication de la diplomatie allemande dans le « bourbier » ukrainien. Cette information est confirmée par de nombreux autres articles [23].

Un troisième mouvement a participé à l’insurrection ukrainienne pro-occidentale. Il s’agit de « Svoboda » (liberté en ukrainien) qui est un parti d’extrême-droite ultranationaliste dirigé par Oleh Tyahnybok. Svoboda a fait couler beaucoup d’encre à cause de ses positions xénophobe, antisémite, homophobe, antirusse et anticommuniste [24]. Ce parti, qui n’est ouvert qu’aux Ukrainiens « pure laine », glorifie des personnages historiques ukrainiens ouvertement fascistes et pro-nazis comme le tristement célèbre Stepan Bandera. Pendant la seconde guerre mondiale, ce dernier a combattu les Soviétiques tout en ayant des liens avec l’Allemagne nazie [25]. Ajoutons à cela que Svoboda est étroitement lié à une organisation paramilitaire,  les « Patriotes de l'Ukraine » [26]. Considérée comme néo-nazie, elle a été très active durant les récents évènements qui ont ensanglanté les rues de Kiev.

 


Oleh Tyahnybok

Les trois partis cités précédemment ont formé une alliance appelée « Groupe d’action pour la résistance nationale » pour mener à bien la déstabilisation du gouvernement Ianoukovytch. En plus, on vient d’apprendre qu’une nouvelle coalition a été créée au parlement ukrainien post-Ianoukovytch. Nommée "Choix européen", elle réunit 250 députés de différents groupes parlementaires dont Batkivtchina, UDAR et Svoboda [27].

 


Les leaders du « Groupe d’action pour la résistance nationale »: Klitschko, Tyahnybok et Iatseniouk

 

Et pour compléter la mainmise du nouveau pouvoir sur les institutions ukrainienne, Oleg Mahnitsky vient d’être nommé Procureur général de l'Ukraine, poste d’importance capitale en cette période de soubresauts « révolutionnaires » et d’évidents règlements de comptes « démocratiques ». Petite précision : Mahnitsky est membre du parti Svoboda [28]. La cerise sur le gâteau? Dans le nouveau gouvernement post-Euromaïdan largement dominé par le parti Batkivshina de Timochenko, trois portefeuilles ont été octroyés à des membres de Svoboda : Oleksandr Sych, vice-Premier ministre; Andriy Mokhnyk, Ministre de l’environnement et Oleksandr Myrnyi, Ministre de l’agriculture [29].

 


Oleg Mahnitsky
 
 

Oleksandr Sych Andriy Mokhnyk Oleksandr Myrnyi

 

Une autre nomination n’est pas passée inaperçue dans ce gouvernement : celle de Pavel Sheremeta qui, de 1995 à 1997, était directeur de programme à l'Open Society Institute de Budapest, la fameuse fondation de George Soros [30].

 


Pavel Sheremeta

 

Le quatrième groupe factieux présent sur la place Maïdan est probablement le plus violent de tous. Connu sous l’appellation « Pravy Sektor » (Secteur de Droite), il représente la coalition d’une multitude de groupuscules de l’extrême-droite radicale et fasciste qui considère que Svoboda est « trop libéral » (sic) [31]. Créée en novembre 2013 [32], l’organisation a pour leader Dmitro Yarosh, le chef d’une organisation d’extrême-droite nommée « Trizub » (Trident) qui est réputée être le noyau dur de la brutale dissidence [33].  En plus de Trizub, on y trouve, en particulier, les « Patriotes de l'Ukraine », l’« Ukrainska Natsionalna Asambleya – Ukrainska Narodna Sambooborunu – UNA-UNSO » (Assemblée Nationale Ukrainienne – Autodéfense Nationale Ukrainienne), Bilyi Molot (Marteau Blanc) ainsi que l’aile radicale de Svoboda [34].

 


Dmitro Yarosh

Dans une interview au magazine TIME publiée le 4 février 2014, Yarosh a déclaré que « ses cohortes antigouvernementales à Kiev sont prêtes à la lutte armée » [35].  « Nous ne sommes pas des politiciens, nous sommes des soldats de la révolution nationale », a-t-il ajouté. Il faut dire que le meneur du Pravy Sektor a passé quelques années dans l’armée soviétique et que, pour lui, la « "révolution nationale" est impossible sans violence et qu'elle devrait conduire à un état "purement ukrainien" avec, pour capitale, Kiev » [36].  Il a aussi révélé dans son interview que sa coalition avait amassé un arsenal d’armes létales. Et de préciser : « Juste assez pour défendre l’Ukraine des occupants internes [i.e. les membres du gouvernement] ».

En effet, de nombreuses photos et vidéos montrent des militants du Pravy Sektor en tenues paramilitaires en train de s’entraîner publiquement sur la place Maïdan [37], impliqués dans des échauffourées d’une extrême violence  avec des forces de l’ordre ou utilisant des armes à feu contre les « Berkout » (police antiémeute) [38].

 

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Actions illégales des manifestants "pacifiques" à Kiev
 

En reportage à partir de Kiev, le journaliste britannique David Blair nous donne son point de vue sur l’organisation du Pravy Sektor: « Ce qui est clair, c'est qu'ils sont très organisés. Un approvisionnement régulier des masques à gaz, de la nourriture et des surplus de camouflage de l'armée arrivent aux bénévoles sur les barricades. D'anciens soldats offrent une formation  de combat à mains nues en dehors de la tente qui sert de petite base de Pravy Sektor sur la place de l'Indépendance à Kiev. Les bénévoles ont décrit un système de commande avec plusieurs dirigeants qui commandent l'armée hétéroclite déployée à la barricade principale sur la rue Grushevskogo à Kiev. La question qui vient à l’esprit de beaucoup de gens est qu’est-ce qu’un groupe aussi puissant, en dehors du contrôle des politiciens traditionnels, ferait si la révolution réussit et le gouvernement tombe » [39].

 


Milices d'autodéfense montées par le groupe d'extrême-droite Pravy Sektor (Source: Le Monde)

 


Un manifestant arme au poing pendant un affrontement avec la police, place de l'Indépendance, à Kiev, le 22 janvier (Source: Libération)

 

Personne ne peut dire si la révolution a réussi ni même si cette insurrection peut être considérée comme telle. Mais ce dont on est sûr, c’est que le gouvernement est réellement tombé et que Dmitro Yarosh a été nommé adjoint au président du Conseil de sécurité et de défense nationale d’Ukraine [40], organisme consultatif d’état chargé de la sécurité nationale dépendant du président du pays. Et qui est le président de ce conseil? Nul autre qu’Andriy Parubiy, « le commandant du Maïdan » [41], « le chef d'état-major de la révolution ukrainienne » [42] qui, le temps d’une « révolution », a rangé ses vêtements de député du parti Batkivshchyna pour enfiler celui de « généralissime » de l’« armée » des émeutiers de l’Euromaïdan. Mais, le plus intéressant est de savoir  que Parubiy est un transfuge du parti Svoboda. En effet, il est, avec Oleh Tyahnybok, cofondateur en 1991 du Parti Social-Nationaliste d'Ukraine (SNPU), rebaptisée Svoboda en 2004 [43]. Comme quoi, les barricades, les émeutes, la désobéissance civile, la violence et le fascisme  peuvent mener très haut en Ukraine.

 
 
 

Andriy Parubiy

 

Il faut reconnaître que les évènements de Kiev ont fait saliver un grand amateur de guerres « sans les aimer ». Ainsi, tel un squale attiré par le sang, Bernard-Henri Levy (BHL), le fameux « rossignol des charniers », est allé à Kiev rencontrer les émeutiers. Toute honte bue après le fiasco libyen et mentant comme un arracheur de dents, il s’y exclama : « Je n’ai pas vu de néo-nazis, je n’ai pas entendu d’antisémites » [44].

 

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BHL à Kiev: "Je n'ai pas vu de néo-nazis, je n'ai pas entendu d'antisémites"

 

Pour contredire le « dandy » aux chemises blanches échancrées, voici ce qu’en dit l’Ukrainienne Natalia Vitrenko, présidente du Parti socialiste progressiste d'Ukraine : « Au début, [les meneurs] étaient les députés de l’opposition Iatseniouk, Klitschko et Tyahnybok. Ces trois personnes menaient le Maïdan. Mais, ensuite, c’est le Pravy Sektor qui a pris les choses en main. Depuis la mi-décembre, la politique du Maïdan a été dictée par Pravy Sektor qui est une alliance de différents partis et mouvements néo-nazis. Ce sont des groupes paramilitaires, des terroristes très bien entrainés » [45].

 
 
 

BHL posant à Kiev
Caricature de "l'événement"

 

Mais la meilleure réponse, celle qui correspond le mieux au niveau de la déclaration de BHL, est à mettre au compte de la journaliste Irina Lebedeva : « Il [BHL] est chanceux, les militants de Svoboda et du Pravy Sector, organisations prônant la pureté raciale, ont certainement reçu des instructions claires de ne pas toucher à celui-là » [46].

 

Timochenko: blonde ou brune?

La figure politique ukrainienne la plus médiatisée par les organes de presse occidentaux mainstream est incontestablement Ioulia Timochenko. Traitée comme un personnage historique plus grand que nature, elle bénéficie de surnoms élogieux mais surtout pompeux : la « Marianne à la tresse », la « Princesse du gaz », la « Jeanne d'Arc ukrainienne » ou la « Dame de fer ». Mais même si d’aucuns ont remarqué une statuette de Jeanne d'Arc et les mémoires de Margaret Thatcher trôner dans son bureau [47], son parcours est loin d’être si vertueux. En fait, sa pratique politique relève plus des romans à scandales politico-financiers (voire maffieux) que de l’abnégation pour la patrie et le peuple ukrainiens. Jugez-en.

À propos de romans, commençons par Olexandre Tourtchinov qui est, paraît-il, un vrai romancier spécialisé dans le genre « science-fiction ». Oui, celui qui est actuellement président de l’Ukraine, qui a été qualifié de « fidèle écuyer » de Timochenko et qui est né, comme elle, dans la ville de Dnipropetrovsk.

 


Timochenko brune

En 1994, Tourtchinov crée avec Pavlo Lazarenko, un notable de Dnipropetrovsk, le parti Hromada dont Timochenko deviendra la présidente en 1997. Une année plus tard, en 1995, la « Marianne à la tresse » qui avait humblement commencé sa carrière de chef d’entreprise avec un prêt de 5000$, réorganise sa modeste « Compagnie du pétrole ukrainien » (créée en 1991) pour fonder, avec l’aide de Lazarenko, la compagnie de distribution d'hydrocarbures « Systèmes énergétiques unis d'Ukraine » (SEUU). Cette même année, Lazarenko est nommé vice-Premier ministre chargé de l’énergie. Très certainement favorisés par les leviers politiques inhérents au poste de Lazarenko, les résultats de SEUU explosent : 10 milliards de dollars de chiffre d’affaires et 4 milliards de profits pour l’année 1996! Et tout cela grâce à des contrats très lucratifs reliés à la vente en Ukraine de gaz naturel russe [48]. Les années de bonheur continuent avec la promotion de Lazarenko au poste de Premier ministre en mai 1996, bien qu’il échappât à un attentat à la bombe à peine 2 mois plus tard [49]. Au début de l’année 1997, la SEUU contrôlait plusieurs banques, avait des participations dans des dizaines d'entreprises de la métallurgie et la construction mécanique, était copropriétaire de la troisième plus grande compagnie aérienne de l'Ukraine et de son deuxième plus grand aéroport, celui de Dnipropetrovsk, en plus de participation  dans le développement de gazoducs turcs et boliviens, ainsi que le contrôle de plusieurs journaux locaux et nationaux [50].

 


Lazarenko et Timochenko

 

Comme l’enrichissement « exponentiel » est souvent synonyme d’affaires louches, des soupçons  ont commencé à peser sur Lazarenko  et la SEUU. En avril 1997, le New York Times rapporta que Lazarenko possédait des parts dans cette compagnie. D’autres affaires furent dévoilées et, en juillet de la même année, le président Koutchma congédia Lazarenko. La suite est rocambolesque. En 1998, Lazarenko est arrêté par la police suisse à la frontière franco-helvétique et accusé par les autorités de Berne de blanchiment d’argent et relâché après le paiement d’une forte caution. Dans un article publié en 2000 et  intitulé « Les comptes fantastiques de M. Lazarenko », Gilles Gaetner parle d’un détournement des deniers publics ukrainiens de l’ordre de 800 millions de dollars, « sans doute la plus importante affaire de blanchiment de l'après-guerre » [51]. Lazarenko fuit alors aux États-Unis où il cherche à obtenir l’asile politique, mais il y est arrêté en 1999.

Bien qu’élus sous la bannière Hromada, Timochenko et Tourtchinov quittent ce parti en 1999 après les déboires de Lazarenko pour créer, ensemble, le parti Batkivshina [52].

Poursuivi par la justice américaine, Lazarenko est condamné en 2006 à neuf ans de prison pour extorsion de fonds, blanchiment d'argent par les banques américaines et fraudes [53]. Un rapport 2004 du « Transparency International Global Corruption » classe Lazarenko parmi les 10 leaders politiques les plus corrompus du monde [54]. La justice ukrainienne poursuit toujours Lazarenko pour l’assassinat du député Evguen  Scherban et de sa femme en 1996. Selon l’accusation, le groupe de Scherban était en concurrence avec la SEUU et gênait ses activités.

 


Evguen  Scherban

Lazarenko a été libéré en novembre 2013, mais il a été placé dans un centre de détention pour migrants à cause de l’expiration de son visa [55].

L’arrestation de Lazarenko n’entame en rien l’opportunisme politique de Timochenko. Dès que Viktor Iouchtchenko accède au poste de Premier ministre en 1999, elle est nommée vice-Premier ministre chargé de l’énergie, poste occupé par Lazarenko quelques années auparavant. Néanmoins, elle est finalement touchée par le scandale Lazarenko et accusée en 2001 de « contrebande et de falsification de documents », pour avoir frauduleusement importé du gaz russe en 1996 lorsqu’elle était présidente de SEUU [56]. Timochenko est arrêtée et fera quelques semaines de prison [57]. En 2002, elle est victime d’un grave accident de la route qu’elle interprètera comme une tentative d’assassinat [58].

 


Timochenko blonde, mais sans tresses

C’est pendant cette période qu’elle change de look. De brune, elle devient blonde. « Ioulia troque son style de femme d'affaires sexy cheveux libres et tailleurs moulants contre celui, plus sage, de parlementaire en col Claudine, jupe au-dessous du genou. Elle adopte sa coiffure actuelle, la fameuse tresse blonde disposée en couronne autour de sa tête » [59].

 


Timochenko et son look actuel

En 2004, la « révolution » orange éclate et Timochenko en devient l’égérie. Iouchtchenko accède à la magistrature suprême en 2005 et, elle, au poste de Premier ministre par deux fois. Toutes les accusations sont, comme par enchantement, oubliées.

 


Le couple Iouchtchenko – Timochenko

 

Divulgué par Wikileaks, un rapport au congrès américain datant de 2005 décrit ainsi la « princesse du gaz » : « Timochenko est un leader énergique et charismatique avec un style politique parfois combatif qui a fait une campagne efficace pour M. Iouchtchenko. Cependant, elle est un personnage controversé en raison de son lien au milieu des années 1990 avec les élites oligarchiques, dont l'ancien Premier ministre Pavlo Lazarenko, qui purge actuellement une peine dans une prison américaine pour fraude, blanchiment d'argent et extorsion. Timochenko a servi en tant que chef d'une entreprise de négoce en gaz et de vice-Premier ministre dans le gouvernement notoirement corrompu de Lazarenko. On dit qu’elle est extrêmement riche []Elle a ensuite été l’objet d’une enquête pour corruption et blanchiment d'argent et a été brièvement emprisonnée. Toutes les accusations ont été officiellement abandonnées après l'élection de Viktor Iouchtchenko. La Russie a également déposé des accusations de corruption contre elle peu de temps avant la campagne électorale » [60].

L’accès au pouvoir du couple Iouchtchenko – Timochenko (grâce à la vague orange), permet à Tourtchinov d’occuper le poste de chef des Services secrets ukrainiens (SBU) en février 2005. Toutefois, en 2006, une enquête le vise ainsi que son adjoint. Il leur est reproché d’avoir détruit le dossier d’un dangereux parrain du crime organisé ukrainien, Semyon Mogilevich [61]. Ce maffieux est soupçonné de diriger un vaste empire criminel et est décrit par le FBI, en 1998, comme « le gangster le plus dangereux du monde » [62]. Les accusations furent étonnamment abandonnées quelques mois plus tard. Il obtint même une excellente promotion. En effet, à son deuxième mandat de Premier ministre (2007), Timochenko lui octroie le poste de vice-Premier ministre, fonction qu’il occupera jusqu’en 2010, date à laquelle elle perd les élections présidentielles contre Ianoukovytch.

 


 

Les relations conflictuelles du couple Iouchtchenko – Timochenko donna le coup de grâce aux mirages de la « révolution » orange. Timochenko est accusée d'avoir trahi l'intérêt national pour préserver ses ambitions personnelles [63].

L’arrivée de Ianoukovytch au pouvoir mit fin à l’impunité de la candidate battue par les urnes et son dossier judiciaire est ressorti du placard pour des anciennes et nouvelles « affaires ». Timochenko est poursuivie dans de nombreux dossiers: mauvaise utilisation de fonds perçus en 2009  pour la vente de quotas d'émission de CO2,  abus de pouvoir lors de la signature en 2009 de contrats sur le gaz avec la Russie considérés défavorables à son pays, fraude fiscale et détournement de fonds relatifs à l’affaire Lazarenko et sa responsabilité dans la gestion de la SEUU [64].  Plus grave encore, elle est accusée de complicité de meurtre (avec Lazarenko) dans l’affaire Scherban (1996). Selon le procureur général adjoint, «  la victime était en conflit avec Mme Timochenko, qui s'occupait alors de la distribution du gaz russe en Ukraine et tentait de contraindre des entreprises de la région industrielle de Donetsk (Est) à acheter cette matière première à sa société Systèmes Énergétiques Unis d'Ukraine (SEUU), grâce au soutien du Premier ministre à l'époque, Pavlo Lazarenko »; « Evguen Chtcherban, un homme fort de la région et dont le groupe était un concurrent de la société de Mme Timochenko, s'était publiquement opposé à l'expansion de SEUU, et l'a payé de sa vie » [65]. Il ajouta à cela « qu'il y avait des témoins qu'elle et l'ancien Premier ministre Pavlo Lazarenko avaient payé pour les meurtres ». Ces allégations sont soutenues par Ruslan, le fils de M. Shcherban, qui a survécu à l'assassinat de ses parents. Dans une conférence de presse, il a déclaré avoir remis des documents au bureau du procureur général impliquant les deux anciens premiers ministres (Lazarenko et Timochenko) dans les meurtres [66].

 
 
 

Le bureau du procureur général d'Ukraine a publié un document

explicatif du rôle de Timochenko dans le meurtre de M. Shcherban.

 

Cliquez sur le lien ci-dessous pour le lire:

 

 

La complicité de Timochenko est aussi envisagée dans deux autres assassinats: l’homme d’affaires Alexander Momot (tué en 1996, quelques mois avant Shcherban) et l’ancien gouverneur de la Banque nationale d’Ukraine, Vadym Hetman (tué en 1998) [67].
 
 
 

Alexander Momot Vadym Hetman

 

Timochenko a été condamnée à sept ans de prison en octobre 2011 et placée en détention pour son implication dans l’affaire des contrats gaziers [68].

 

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"The rise and fall of Yulia Timoshenko"

 

Les événements inespérés de l’Euromaïdan sont venus extirper « la princesse du gaz » de sa geôle. Et de quelle manière! Le samedi 22 février 2014, à 12h08, Tourtchinov, le bras droit de Timochenko, est élu président du Parlement ukrainien. Trente minutes plus tard, comme s’il s’agissait de l’affaire la plus urgente à régler dans un pays en pleine insurrection, le parlement vote la libération « immédiate » de Timochenko. À titre de comparaison, ce n’est qu’à 16h19 que ce même parlement votera la destitution de Ianoukovytch [69].

Avec la nomination du militant d’extrême-droite Oleg Mahnitsky comme procureur général, ainsi que celle d’un très grand nombre de membres du parti Batkivshina à des postes-clés au sein de l’appareil de l’état, on peut aisément prédire que Timochenko n’aura plus, au moins pour un certain temps, à s’inquiéter de ses problèmes judiciaires.

Il faut reconnaître qu’à deux reprises Timochenko a été arrachée des mains de la justice grâce à des émeutes populaires de grande ampleur : la « révolution » orange en 2004 et, maintenant, l’Euromaïdan.

En plus de ses talents de romancier, il paraît que le président Tourtchinov est aussi pasteur évangélique. Serait-ce à ce titre qu’il a « sauvé » son amie de toujours?

Mais « Kiev vaut bien une messe », non?

 

 

L’insolente ingérence occidentale

L’Euromaïdan peut être considéré comme une « révolution » colorée, revue et corrigée à la sauce « printemps » arabe, arôme syrien. En effet, bien que de nombreuses similitudes puissent être trouvées entre la « révolution » orange et l’Euromaïdan, deux différences fondamentales sont à noter. La première, déjà discutée précédemment, est relative à la violence des émeutes qui est essentiellement due à l’omniprésence de manifestants de l’extrême-droite fasciste et néo-nazie. Par comparaison, la « révolution » orange était basée sur les théories non-violentes de Gene Sharp. La seconde différence relève de l’insolente présence physique de personnalités occidentales, politiques et civiles, sur la place Maïdan, haranguant les foules et incitant à la désobéissance civile, en complète contradiction avec le principe fondamental de non-ingérence dans les affaires internes d’un pays souverain, dont les dirigeants ont été démocratiquement élus.

Commençons par John McCain, président du conseil d’administration de l’IRI qui, à Kiev, est en terrain connu. Effectivement, après (et non pendant) la « révolution » orange, il s’était déjà rendu en Ukraine (en février 2005) pour y rencontrer ses « poulains » qu’il avait largement financés.

 


Iouchtchenko et McCain (février 2005)

Le sénateur américain s’est aussi rendu dans les pays arabes « printanisés » : Tunisie (21 février 2011), Égypte (27 février 2011), Libye (22 avril 2011) et Syrie (27 mai 2013). Lors des deux premiers voyages, les gouvernements étaient déjà tombés. Dans les deux derniers, la bataille faisait rage (elle le fait encore en Syrie).

À Kiev, McCain s’adressa aux révoltés du Maïdan le 14 décembre 2013. « Nous sommes ici pour soutenir votre juste cause, le droit souverain de l'Ukraine à choisir son propre destin librement et en toute indépendance. Et le destin que vous souhaitez se trouve en Europe », a-t-il claironné [70].

Il y rencontra le « triumvirat du Maïdan », c’est-à-dire Iatseniouk,  Klitschko et Tyahnybok. Il n’a pas été embarrassé de poser avec Tyahnybok, alors que ce dernier aurait été interdit, l'année dernière, d'entrer aux États-Unis en raison de ses discours antisémites [71]. Non, rien ne l’a gêné de traiter avec le leader de Svoboda, un parti ouvertement ultranationaliste, xénophobe et prônant des valeurs néo-nazies, tout comme rien ne l’a dérangé de soutenir de sanguinaires terroristes en Libye ou en Syrie. La fin justifie les moyens : l’important est de soustraire l’Ukraine du giron russe.

 


McCain rencontre Klitschko, Iatseniouk et Tyahnybok (décembre 2013)

 

L’ingérence américaine s’est aussi illustrée par « l’affaire Nuland » qui a montré que le vocabulaire diplomatique utilisé par certains hauts fonctionnaires américains n’avait rien à envier à celui des charretiers. « Fuck the UE! », s’est-elle exclamée. Ce qui en dit long sur la lutte d’influence qui oppose l’oncle Sam au vieux continent.

Et comment Victoria Nuland, la sous-secrétaire d'État pour l'Europe et l'Eurasie,  appelle-t-elle les leaders de l’Euromaïdan? « Yats » et « Klitsch » [72]? Comme « Jon » et « Ponch » dans la populaire série américaine « CHiPs »? Utiliser un langage si familier suppose une évidente proximité et une indéniable connivence entre les membres du triumvirat et l’administration américaine, c’est le moins qu’on puisse dire.

 


Tyahnybok, Victoria Nulan, Klitschko, et Iatseniouk

 

En plus de L’IRI, la NED est présente à Kiev. Pour s’en rendre compte, il n’y a qu’à suivre Nadia Diuk qui écrit à partir de Kiev et dont les articles sont publiés dans « le Kiyv Post » et d’autres fameux journaux. Les titres de ses articles sont idylliques : « La révolution auto-organisée d’Ukraine » [73], « Les visions du futur de l’Ukraine » [74], etc. Déjà, en 2004, en pleine « révolution » orange, elle écrivait « En Ukraine, une liberté indigène » [75] pour prouver que la « révolution » était spontanée, ce qui contredit toutes les études (occidentales) qui ont été publiées subséquemment. Il faut se rendre à l’évidence que la teneur de ses articles n’a guère changé avec le temps. Et pour cause, Mme Diuk est vice-présidente à la NED,  chargée des programmes pour l’Europe, l’Eurasie, l’Afrique, l’Amérique latine et les Caraïbes [76].

Les rapports annuels de la NED montrent que, juste pour 2012, les montants octroyés à une soixantaine d’organismes ukrainiens s’élevaient à près de 3,4 millions de dollars [77]. Dans ce rapport, il est indiqué que l’IRI de McCain et le NDI d’Albright ont respectivement bénéficié de 380 000 et 345 000 $ pour leurs activités en Ukraine.

Cette évidente implication américaine en Ukraine a été signalée par Sergueï Glaziev qui a déclaré que « les Américains dépensent 20 millions de dollars par semaine pour financer l'opposition et les rebelles, y compris pour les armer » [78].

Le second pays occidental largement impliqué dans l’Euromaïdan est l’Allemagne. Une dizaine de jours avant McCain, Guido Westerwelle, le chef de la diplomatie allemande, a pris un bain de foule au milieu des manifestants de la place Maïdan en compagnie de ses « protégés » « Yats » et « Klitsch » ou, plus poliment, Iatseniouk et Klitschko. Après s’être entretenus avec eux à huis clos, il déclara « Nous ne sommes pas ici pour soutenir un parti, mais nous soutenons les valeurs européennes. Et quand nous nous engageons pour ces valeurs européennes, il est naturellement agréable de savoir qu'une grande majorité des Ukrainiens partagent ces valeurs, veulent les partager et souhaitent suivre la voie qui mène à l'Europe » [79]. En parlant de majorité, Westerwelle n’a certainement pas consulté les récents sondages qui montrent que seuls 37% de la population  ukrainienne est favorable à une adhésion de leur pays à l’Union Européenne [80]. D’ailleurs, les citoyens européens le sont-ils? Pas si sûr. Par exemple, un très récent sondage montre que 65% des Français sont opposés à l'idée d'une aide financière apportée par la France et l'Union européenne à l'Ukraine et 67% sont contre une entrée de ce pays dans l'UE [81].

 


Klitschko, Guido Westerwelle et Iatseniouk

 

D’autre part, la chancelière allemande a, comme son ministre, reçu Iatseniouk et Klitschko le 17 février 2014 à Berlin. Le candidat sur lequel ont misé Merkel, le CDU et son think tank, la Fondation Konrad Adenauer, est Klitschko [82]. Néanmoins, le parti de Timochenko est aussi considéré comme un allié du PPE et du CDU ainsi que l’avait affirmé M. Martens lors d’un discours au Club de la Fondation Konrad Adenauer en 2011 : « Ioulia Timochenko est une amie de confiance et son parti est un membre important de notre famille politique ». Dans ce même discours, il avait déclaré que sa position était similaire à celle de McCain quant au soutien à Timochenko (pour sa libération lorsqu’elle était emprisonnée) [83].

 


Klitschko, Merkel et Iatseniouk

Il faut souligner que cette convergence de vue entre l’IRI et la Fondation Konrad Adenauer n’est ni fortuite, ni récente. En réalité, elle remonte à la création de la NED comme nous l’explique  Philip Agee, l’ancien agent de la CIA qui avait quitté l’agence pour vivre à Cuba [84]. Tout d’abord, il faut comprendre que la NED a été créée pour prendre en charge  certaines tâches qui relevaient originalement de la CIA, en l’occurrence la gestion des programmes secrets de financement de la société civile étrangère. Après avoir consulté un vaste éventail d'organisations nationales et étrangères, les autorités américaines furent intéressées par les fondations des principaux partis de l’Allemagne de l’Ouest qui étaient financées par le gouvernement allemand : la Friedrich Ebert Stiftung des sociaux-démocrates et la Konrad Adenauer Stiftung des démocrates-chrétiens. Nous trouvons actuellement une structure analogue dans le paysage politique américain. L’IRI et le NDI, les deux satellites de la NED, sont respectivement reliés aux partis républicain et démocrate américains et, comme ses homologues allemands, sont financés par des fonds publics. Comme la CIA collaborait avec ces « Stiftungs » allemands pour financer des mouvements à travers le monde bien avant la création de la NED par le président Reagan en 1983, les relations sont restées solides jusqu’à nos jours.

Bien que plus discret que les deux précédents, le troisième pays impliqué dans les événements ukrainiens est le Canada. Cet intérêt est probablement dû au fait que le Canada abrite la plus grande diaspora ukrainienne dans le monde après celle de la Russie. Plus de 1,2 millions de canadiens sont d’origine ukrainienne [85].

John Baird, le ministre des affaires étrangères canadien a rencontré le triumvirat ukrainien le 4 décembre 2013 à Kiev et, comme les autres, a effectué un « pèlerinage » à la place Maïdan. Le chef de la diplomatie canadienne est revenu à Kiev le 28 février 2014 pour y rencontrer les nouvelles autorités : le président Tourtchinov, le Premier ministre Iatseniouk et la « Jeanne d'Arc ukrainienne ». Questionné sur son soutien « inconditionnel » de l’Ukraine et ses conséquences sur les relations avec la Russie, il répondit : « Nous n’allons certainement pas nous excuser pour avoir soutenu le peuple ukrainien dans sa lutte pour la liberté » [86]. À noter que Paul Grod, le président du Congrès des Ukrainiens-Canadiens (UCC) a accompagné Baird dans ses deux voyages. Ses positions sont calquées sur celles de la diplomatie canadienne.

 


Tyahnybok, Iatseniouk, Baird, Klitschko et Grod

 

Les positions et les réactions de tous ces politiciens laissent cependant perplexes. Certes, les vies perdues lors de ce sanglant conflit sont à déplorer, mais qu’auraient-ils fait si des manifestants violents, appartenant à des groupes extrémistes, avaient occupé le centre-ville de leur capitale, tué des membres des forces de l'ordre, kidnappé des dizaines de policiers, occupé  des locaux officiels et troublé l’ordre public pendant des mois? Et n’ont-ils pas une part de responsabilité dans l’augmentation du nombre de victimes en venant jeter de l’huile sur le feu du Maïdan?

En France, par exemple, le ministre de l’Intérieur Manuel Valls s’est insurgé contre une récente manifestation de « Black Bloc » qui a fait six blessés parmi les policiers, le 22 février 2014. Voici ses commentaires : « Cette violence venant de cette ultra-gauche, de ces Black Bloc, qui sont originaires de notre pays mais aussi de pays étrangers est inadmissible et elle continuera à trouver une réponse particulièrement déterminée de la part de l’État ». Après avoir rendu hommage «au préfet de la Loire Atlantique, aux forces de l’ordre, policiers et gendarmes, qui avec beaucoup de sang froid et de professionnalisme ont contenu cette manifestation », il ajouta : « Personne ne peut accepter de telles exactions » [87].

Et les Ukrainiens, doivent-ils les accepter? Et comment aurait réagi la classe politique française et occidentale si ces « Black Bloc » avaient été financés, formés ou soutenus par des organismes et politiciens étrangers, Russes, Chinois ou Iraniens venus à Nantes pour les soutenir?

Je vous laisse le soin d’y répondre.


En définitive, il faut se rendre à l’évidence que l’Euromaïdan, tout comme la « révolution » orange, est un mouvement largement soutenu par des officines occidentales. Cette conclusion ne doit pas éclipser la réelle corruption de toute la classe politique ukrainienne. Vouloir nous présenter, comme le font les médias occidentaux mainstream, les « bons » avec Timochenko et les « mauvais » avec Ianoukovytch  est une vision biaisée de la réalité. Le gouvernement Ianoukovytch ayant été démocratiquement élu, les évènements récents sont, sans équivoque, un coup d’État.

Ce coup d’État a permis à des militants de l’extrême-droite ukrainienne, ultranationaliste fasciste et néo-nazie, de faire partie du nouveau gouvernement ukrainien. Cette présence, ouvertement appuyée par les gouvernements occidentaux est néfaste pour l’avenir et la stabilité du pays. La hâtive, expéditive, controversée et incompréhensible abrogation de la loi « sur les bases de la politique linguistique de l’État » est un exemple patent [88].

En outre, ce rapprochement « forcé » de l’Ukraine avec l’Union Européenne et son corollaire l’éloignement de ce pays de la Russie n’est pas bénéfique pour le peuple ukrainien. Selon des spécialistes occidentaux et non-occidentaux, la proposition russe était de loin plus intéressante que celle conjointe de l’Union Européenne et des États-Unis qui n’ont d’autre alternative que d’offrir la « médecine FMI » à ce Pays [89].

Contrairement aux vœux pieux de Timochenko clamés au Maïdan, il serait utopique de penser que l’Ukraine fasse partie de l’Union « dans un avenir proche » [90], au vu de la situation désastreuse de certains pays européens comme la Grèce, par exemple. La « Marianne aux tresses » n’a probablement pas entendu le ministre français des Affaires européennes, Thierry Repentin. « Dans toutes les négociations pour offrir à l'Ukraine un accord d'association, nous avons bataillé ferme pour retirer toute allusion à une adhésion à l'UE. Pas question de changer de position » a-t-il déclaré dans un article publié le 3 février dernier [91].

Si l’Ukraine ne peut prétendre à une adhésion à l’Union Européenne et que les défenseurs occidentaux de sa « révolution » ne mettent pas la main à la poche, tout semble indiquer que ce pays n’est qu’un « cheval de Troie » pour gêner la Russie qui prend trop de place et beaucoup d’aisance dans les enjeux internationaux, à l’instar de son rôle dans le conflit syrien. Une façon comme une autre d’ouvrir une nouvelle ère de guerre froide. Les troubles en Crimée et les menaces de l’exclusion de la Russie du G8 [92] n’en sont que les prémices.

Les Ukrainiens doivent savoir qu’ils sont condamnés à vivre en bon voisinage avec la Russie avec laquelle ils ont une frontière commune et des liens historiques, commerciaux, culturels et linguistiques.

Une chose est sûre, cependant: le réveil « postrévolutionnaire » sera douloureux pour les Ukrainiens.

 

Références

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  2. AFP, « Ukraine : l'OSCE reconnaît la bonne tenue de l'élection », Le Monde, 8 février 2010, http://www.lemonde.fr/europe/article/2010/02/08/ukraine-ianoukovitch-revendique-une-courte-victoire_1302464_3214.html
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  6. Gaël De Santis,  « Ukraine. L’UE ne promet pas la lune aux manifestants... juste la Grèce », l’Humanité, 24 Février 2014, http://www.humanite.fr/monde/ukraine-l-ue-ne-promet-pas-la-lune-aux-manifestant-559788
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  9. Manon Loizeau, « États-Unis à la conquête de l’Est », 2005. Ce documentaire peut être visionné à l’adresse suivante : http://www.ahmedbensaada.com/index.php?option=com_content&view=article&id=120:arabesque-americaine-chapitre-1&catid=46:qprintemps-arabeq&Itemid=119
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  23. Lire, par exemple, Olivier Renault, « Ukraine : Klitchko, ou la construction d'un président par l'OTAN », La voix de la Russie, 24 janvier 2014, http://french.ruvr.ru/2014_01_24/Ukraine-Klitschko-ou-la-construction-dun-president-par-lOTAN-3540/
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  35. Voir référence 31
  36. Ibid.
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  50. Voir référence 47
  51. Gilles Gaetner, « Les comptes fantastiques de M. Lazarenko », L’Express, 1er juin 2000, http://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/les-comptes-fantastiques-de-m-lazarenko_491978.html
  52. Voir référence 16
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  59. Ibid.
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  61. Voir référence 16
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  81. Atlantico, « 65% des Français opposés à une aide financière à l’Ukraine », 27 février 2014, http://www.atlantico.fr/decryptage/65-francais-opposes-aide-financiere-ukraine-jerome-fourquet-ifop-994234.html
  82. Ralf Neukirch, Nikolaus Blome et Matthias Gebauer, « UKRAINE : Klitchko, l’opposant coaché par Merkel », Der Spiegel, 11 décembre 2013, http://www.presseurop.eu/fr/content/article/4396161-klitchko-l-opposant-coache-par-merkel
  83. Konrad Adenauer Stiftung, « Speech by EPP President Wilfried Martens, Club of the Konrad Adenauer Stiftung », 14 septembre 2011, http://www.kas.de/ukraine/en/publications/28776/
  84. Philip Agee, « Terrorism and Civil Society as Instruments of U.S. Policy in Cuba », Cuba Linda, mai 2003, http://www.cubalinda.com/English/Groups/TerrorismandCivilSociety.htm
  85. Statistics Canada, « 2011 National Household Survey: Data tables », http://www12.statcan.gc.ca/nhs-enm/2011/dp-pd/dt-td/Rp-eng.cfm?
  86. Sonja Puzic, « 'We don't apologize for standing with Ukrainian people,' Baird says », CTVNews, 28 février 2014, http://www.ctvnews.ca/politics/we-don-t-apologize-for-standing-with-ukrainian-people-baird-says-1.1707909
  87. AFP, « Valls cible «l’ultra-gauche» et les «Black Bloc» après les heurts de Nantes », Libération, 22 février 2014, http://www.liberation.fr/societe/2014/02/22/valls-cible-l-ultra-gauche-et-les-black-bloc-apres-les-heurts-de-nantes_982282
  88. RIA Novosti, « Ukraine: la Rada abroge la loi sur le statut du russe », 23 février 2014, http://fr.ria.ru/world/20140223/200560426.html
  89. AFP, « Une équipe du FMI mardi en Ukraine pour discuter du plan d’aide », Libération, http://www.liberation.fr/monde/2014/03/03/une-equipe-du-fmi-mardi-en-ukraine-pour-discuter-du-plan-d-aide_984175
  90. Le Journal du siècle, « Timochenko : "L’Ukraine va devenir un membre de l’Union européenne" », 23 février 2014, http://lejournaldusiecle.com/2014/02/23/timochenko-lukraine-va-devenir-un-membre-de-lunion-europeenne/
  91. Alain Franco, « Ukraine : l'Union européenne sans boussole », Le Point, 3 février 2014, http://www.lepoint.fr/monde/ukraine-l-union-europeenne-sans-boussole-03-02-2014-1787567_24.php
  92. Kevin Lamarque, « Une première étape vers une exclusion de la Russie du G8 », RFI, 3 mars 2014, http://www.rfi.fr/europe/20140303-une-premiere-etape-vers-une-exclusion-russie-g8-obama-poutine-france-union-europeenne-allemagne-g7/

 



 
Tiré du blog de Geoffroy Géraud Legros :  http://www.7lameslamer.net/quand-les-nazis-menent-le-bal.html
 

 
Ukraine Quand les nazis mènent le bal…

8 décembre 2013
Geoffroy Géraud Legros

 
« Négros, youpins, ruskofs » ! Ils sont dans le collimateur de la 4ème force politique ukrainienne depuis 2012, le parti nazi et pro-européen ukrainien « Svoboda », locomotive des manifestations qui se déroulent en Ukraine depuis deux semaines. Un premier rôle qui couronne dix années de dédiabolisation — toute formelle... — et obtient un label « révolutionnaire » et « démocratique » grâce aux médias occidentaux.
 
Un emblème omniprésent : trois doigts de la main couleur or sur bannière azur comme une promesse de victoire renouvelée. Des mots d’ordre et des drapeaux qui claquent au vent. Des porte-parole qui manient avec ardeur et habileté le langage « révolutionnaire ». Le parti « Svoboda » est la locomotive des manifestations qui, depuis deux semaines, secouent plusieurs villes d’Ukraine. Ainsi, ce sont ses militants qui ont fait franchir un cap décisif à la contestation ukrainienne, en occupant la mairie de la capitale, Kiev, transformée par leurs soins en « quartier général révolutionnaire ».
Pas une photographie, pas un reportage télévision qui ne donne à voir les insignes de cette organisation montante. Forte de 37 députés à la Verkhovna Rada (Assemblée nationale), « Svoboda » est devenu en 2012 la 4ème force politique de l’ancienne république socialiste. Une percée électorale et un activisme qui ont imposé Oleg Tiagnibok — au nombre des leaders de l’opposition — au président Viktor Ianoukovitch.

L’ancien et le neuf : malgré l’adoption d’un symbole « neutre », les militants de « Svoboda » restent attachés à la rune « Wolfsangel », signe de l’« idée de nation » et insigne de la division SS « Das reich ».
 
Du nazisme au dialogue
 
Sobrement identifié comme « nationaliste » par la presse occidentale, le dirigeant de « Svoboda » parade dans les médias, aux côtés d’Arseniy Yatsenyuk, représentant de l’oligarque emprisonnée Ioulia Timoshenko, et de l’ancien boxeur, Vitali Klitchko, revenu d’Allemagne après avoir annoncé sa candidature à l’élection présidentielle. C’est avec ce triumvirat que le ministre allemand, Guido Westerwelle, a souhaité entamer un « dialogue », après une visite sur la « Place de l’Indépendance » de Kiev (EuroMaïdan) en soutien aux « centaines de milliers de personnes dont le cœur bat en Europe ».
 
Stratégie de dédiabolisation
 
Pour « Svoboda », l’accès au leadership de « l’opposition démocratique » encouragée par les chancelleries occidentales couronne une stratégie de dédiabolisation engagée il y a 10 ans. En 2004, le « Parti national-socialiste d’Ukraine » néo-nazi, fondé en 1995, optait pour la dénomination plus consensuelle de « Svoboda » — « Liberté » en langue ukrainienne. Simultanément, la rune « Wolfstangel », symbole de « l’idée nationale » et insigne de la division SS « Das Reich », faisait place aux trois doigts couleur or, évocation « conviviale » du traditionnel trident ukrainien.
Mal acceptée par certains militants attachés à l’emblématique nazie, cette mue symbolique n’a en revanche guère affecté le discours du parti ultra-nationaliste. Ainsi, note la chercheuse, Halyna Bocheva, auteure d’une étude consacrée à l’extrême-droite ukrainienne, « Svoboda articule un discours ouvertement raciste à l’encontre des minorités visibles ».
 
Née à kiev de père congolais et de mère ukrainienne, la chanteuse pop « Gaitana » a été prise pour cible par « Svoboda ».
« Négros » et « youpins »
Outre les étudiants africains, qui, comme en Russie, constituent des cibles permanentes pour l’extrême-droite, « Svoboda » vise les quelques Noirs et métis du pays, dont la chanteuse « Gaitana », native de Kiev, de père congolais et de mère ukrainienne. Une « négresse », aux yeux de l’extrême-droite, qui « représente un coin quelque part en Afrique », estimait Yuri Syrotiuk, porte-parole du parti. Juifs et Russes, sont quant à eux, selon « Svoboda » les « ennemis naturels de la Nation ».
Un Poutine « pédé » et « enjuivé »
« La « mafia judéo-russe » contrôle le Kremlin », expliquait en 2004 Oleg Tiagnibok. Des Juifs qui seraient, depuis la Révolution bolchévique, les agents de la « russification », mettraient aujourd’hui le pays en coupe réglée via le gouvernement Ianoukovitch aux ordres du « Juif Poutine » et prépareraient un « génocide » contre la population chrétienne du pays. Des thématiques racistes qui expliquent le soutien, a priori paradoxal, que reçoit « Svoboda » d’une partie de l’extrême-droite russe, elle-même en pointe des manifestations anti-Poutine de l’an dernier, laquelle pourfend sans répit un Poutine « pédé » et « enjuivé ».
 
 
Oleg Tiagnibok, leader de Svoboda. À droite, le portrait de Stepan Bandera, chef collaborationniste ukrainien durant la Seconde Guerre mondiale.
Elle regrette la « fin de l’Apartheid en Afrique du Sud »
Au nombre de ses soutiens russes, « Svoboda » compte aussi l’ancienne dissidente, Valeria Novodvorskaya, qui, par ailleurs, dit « regretter » la « fin de l’Apartheid en Afrique du Sud ». En 2010, « Svoboda » appelait au boycott d’une exposition consacrée aux massacres de Polonais et de Russes par les Nazis au cours de la Seconde Guerre mondiale : une « provocation judéo-polonaise », selon le bureau du parti, dont le dirigeant dissertait plus tôt, en séance parlementaire, sur la distinction entre « youpins » et « Juifs », « Russkofs » et Russes. Nostalgique de la collaboration ukrainienne, « Svoboda » soutient la réhabilitation de la division SS « Galicie », partiellement composée de volontaires ukrainiens sous l’occupation nazie.

« Voler l’or des Ukrainiens »

Le parti s’inscrit ainsi dans un courant mémoriel et culturel initié par la « Révolution orange » qui, en 2004, a consacré la victoire du tandem pro-européen composé de Viktor Iouchtchenko et de Ioulia Timochenko. Cette dernière avait d’ailleurs en 2004 pris la défense du journal raciste « Isti Visti », auteur — entre autre — d’un article selon lequel « 400.000 Juifs ukrainiens avaient rejoint les troupes nazies pendant la Seconde Guerre mondiale, afin de voler l’or des Ukrainiens ».
 
 
Militants de « Svoboda » lors d’une manifestation pro-européenne. photographie : Oxana Sozanova.
Un nazisme relooké
Outre la réhabilitation de plusieurs nazis notoires et la consécration du collaborationniste, Stepan Bandera, au rang de « héros national », la Révolution orange fut la matrice d’une culture d’extrême-droite underground, qui irrigue la confuse constellation de groupuscules qui, à la faveur de la crise, ont le vent en poupe en Europe : un nazisme relooké, qui mêle antisémitisme, suprématisme blanc, rejet des musulmans, hédonisme, post-modernisme et combine, en fonction des enjeux, discours social, féminisme, ultralibéralisme et appels à la tradition.

Aux portes du pouvoir ?

À la faveur de la crise de la corruption bien réelle du gouvernement en place, et de son recrutement caricaturalement favorable aux russophones, « Svoboda » met en avant des solutions économiques anti-libérales telles que la nationalisation des grandes industries, le protectionnisme économique, la sécurité de l’emploi, la protection de la paysannerie et l’extension du service public. Un agenda qui contredit en tous points le Traité d’intégration à l’Union européenne défendu par le parti, puisque celui-ci, rapporte la revue « Ekspert », exige de l’Ukraine la privatisation de son industrie gazière et le relèvement des tarifs individuels du gaz…
« Svoboda est devenu un acteur décisif du jeu politique ukrainien », observait en septembre dernier l’universitaire, Dustin Christensen, qui, déjà, voyait dans l’éventuel rejet de l’accord d’intégration avec l’Union européenne un facteur de crise politique susceptible de mener le parti de M. Tiagnibok aux portes du pouvoir. Nul doute que le bombardement de son parti au nombre des « forces démocratiques » par les médias occidentaux — et la diplomatie allemande, qui retrouve assez logiquement le fil de la Mitteleuropa — nourrira encore cette dynamique.

Geoffroy Géraud Legros
 
L’auteur de cet article a vécu plusieurs années dans l’aire qu’il est convenu de nommer « Europe centrale et orientale ». Outre ses travaux de recherche, il s’est investi dans la vie civile et politique des pays où il a séjourné — notamment dans l’espace (ex-) yougoslave. C’est l’observation, appliquée à l’Ukraine, de constantes dans la démarche des médias occidentaux, et notamment français, qui a suscité l’écriture de ces quelques lignes.

Non, « Svoboda » n’est pas un « parti nationaliste », comme on peut le lire un peu partout. Non, Oleg Tiagnibok n’est pas le « chef du parti de la Liberté », avec toute l’équivoque que peut comporter, dans le texte, la traduction bien placée d’un label partisan adopté sur le tard.
M. Tiagnibok est un dirigeant nazi, « Svoboda » est un parti nazi, et ce sont des emblèmes nazis et des mots d’ordre nazis que répercutent journaux et télés qui font leurs choux gras de la crise ukrainienne.
De même, les groupes issus du mouvement « Panthères » (Panteri), qui ont assailli le Parlement slovène en 2010, n’étaient pas, comme on a pu le lire, des « jeunes révoltés  » : ce sont des néo-nazis, qui tabassent, voire tuent les « nègres » (Zamorc) et confondent dans leur détestation Juifs, Serbes, Bosniaques, Croates, rassemblés sous le terme de « čefur », lui-même issu du vieux turcisme « čifut » : « youpin ».
Les manifestants-type de Moscou et de Kiev ne sont pas des geek à barbiche et à la coule, des activistes LGBT et des bloggers férus de droits de l’homme : ces gens-làn’existent pas en terme de rapport de force politique — ou existent juste assez pour servir d’idiots utiles à la large masse des néo-nazis, ultranationalistes et nostalgiques de l’ère Brejnev qui occupent les rues et écrivent, par exemple, qu’un tunnel caché relie le Kremlin à des synagogues secrètes où se déroulent des meurtres rituels.
Pire : tout se passe comme si, sans le savoir, nos confrères avaient pleinement intégré les lieux communs de la littérature consacrée aux « transitions » post-communistes — dont la mesure du caractère démocratique d’une société, à sa seule aptitude à garantir le « marché libre et non faussé ».
 
 
Ukraine : publicité pour la réhabilitation de la division SS « Galicie ».

Ainsi, l’extrême-droite hongroise au pouvoir, active de longue date, raciste, pan-ottomane, qui veut dresser des « listes de Juifs nuisibles à l’État » et affirme que « l’islamisme est la seule chance de l’Europe » n’a commencé à inquiéter les faiseurs d’opinion qu’au moment où il s’est avéré qu’elle pourrait — peut-être — nationaliser certaines entreprises.
À l’inverse, on tend la perche (de micro) à des dirigeants croates qui emprisonnent leurs opposants, font l’apologie du régime nazi des Oustachi, et exigeaient après 1992 de la part de fonctionnaires yougoslaves présents sur le sol du nouvel État la production d’une domovnica — certificat de nationalité impossible à décrocher pour qui n’était pas « purement » Croate.
On préfère zoomer les tresses de Mme Timochenko que les réhabilitations d’anciens nazis qui ont lieu en Ukraine, mais aussi en Estonie, en Lettonie et en Moldavie ; on ne veut pas voir l’édification d’Etats autoritaires en Géorgie, en Serbie, ni, dans un autre registre, les progrès du salafisme dans la Bosnie soi-disant multiculturelle. Tout cela parce que les dirigeants de ces Etats, souvent plus autoritaires encore que leurs prédécesseurs, procèdent à des privatisations favorables aux intérêts des pays occidentaux — ou plus exactement, aux multinationales.
Cette cécité a de graves conséquences : non seulement par le pouvoir de légitimation qui accompagne la parole des médias de l’Ouest dans une Europe orientale qui continue de se vivre, selon la formule de Conrad, « sous l’œil de l’Occident ». Mais aussi, parce que l’extrême-droite « moderne », qui, après la Hollande, trouve à l’Est ses fabriques idéologiques et symboliques, profite dans son ensemble de cette mondialisation des symboles, thématiques et postures que lui offre une presse pourtant affairée, chez elle, à traquer antisémitisme, racisme et nazisme jusque dans le coeur ténébreux de l’inconscient et de l’implicite…
GGL

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Matzneff : vive la Crimée russe !-  
Le Point.fr - 17/03/2014



J'ouvre au mot "Crimée" le célèbre Dictionnaire universel d'histoire et de géographie de Bouillet paru chez Hachette en 1843, je lis : "La Crimée, la Chersonèse Taurique des anciens, presqu'île de la Russie d'Europe, sur la mer Noire." Cette définition a la clarté du cristal.
Délivrée en 1783 du joug turc par Catherine II - l'impératrice des Lumières, amie de Diderot, de Voltaire, de Grimm, de Giacomo Casanova -, ce fut en 1791 que la Crimée devint définitivement russe. Cet exemple de la Crimée allait stimuler de manière admirable les patriotes grecs, et trente ans plus tard ce sera la Grèce qui, à son tour, se soulèvera contre l'occupation étrangère.
Qu'il s'agît de la Crimée ou de la Grèce, de l'impératrice Catherine de Russie ou de lord Byron, l'Europe progressiste, favorable à l'autodétermination des peuples, suivit avec enthousiasme ces reculs de l'impérialisme ottoman, ces victoires de la liberté.

Une politique décidée à Washington

Qu'en est-il aujourd'hui ? Les dirigeants européens semblent ignorer tout de leur propre histoire, ils sont comme frappés d'amnésie. Sans doute est-ce une des raisons de leur servile ralliement à la politique étrangère américaine. Lors de la guerre de l'Otan contre la Serbie, le président des États-Unis, le démocrate Clinton, aurait voulu que l'aviation turque bombardât Belgrade. Ce fut François Mitterrand qui le dissuada de commettre une pareille folie. L'ignorance qu'avait Clinton de l'histoire européenne, son successeur Obama en a, c'est l'évidence, hérité. Hélas, en 2014, à Paris, nous n'avons plus un François Mitterrand pour éclairer sa lanterne et désormais l'Élysée, le Quai d'Orsay ne sont que les caisses de résonance de la politique décidée à Washington.
Au train où vont les choses, je ne m'étonnerais pas que dans les mois à venir Obama et ses vassaux européens n'invitent leurs amis turcs à faire valoir leurs droits sur la Crimée. Ne l'ont-ils pas occupée de 1475 à 1783 ? La Turquie n'est-elle pas membre de l'Otan depuis 1952 ? Aux yeux des États-Unis, ces deux titres leur donnent assurément des droits à la reconquête, le second surtout, car pour les Américains les Européens se divisent en deux blocs : les bons qui font partie de l'Otan et les méchants qui ne lui appartiennent pas. Si les Polonais et les Ukrainiens sont présentement si bien vus de la Maison-Blanche, c'est parce qu'ils appellent de leurs vœux la protection de l'Otan contre les Russes, se montrent des serviteurs zélés et dociles des intérêts américains.

Deux poids, deux mesures

Dans le cas où Obama, pour se venger de Vladimir Poutine, encouragerait les Turcs à envahir la Crimée comme, il y a quarante ans, ils envahirent Chypre, je suis convaincu que M. Laurent Fabius, notre infatigable ministre des Affaires étrangères, pourrait obtenir de Son Altesse turque Erdogan qu'en échange de l'appui de la France il nomme Mamamouchi le vaillant président François Hollande. "Mamamouchi, vous dis-je. Je suis Mamamouchi." (Le Bourgeois gentilhomme, acte V, scène 1.)
Lundi matin, à Europe 1, dans sa revue de presse, la spirituelle Natacha Polony raillait tel quotidien de gauche parisien qui, après avoir soutenu le démembrement de la Yougoslavie, applaudi à la mainmise sur le Kosovo, berceau historique de la Serbie, par une bande de mafieux islamistes, à présent refuse aux habitants de la Crimée le droit de se sentir et de se vouloir russes. De fait, ce qui est choquant dans cette affaire, c'est le deux poids, deux mesures. Il est certes toujours délicat d'accuser les gens qui ne pensent pas comme vous de malhonnêteté intellectuelle, mais, si ce perpétuel deux poids, deux mesures pratiqué par certains intellos n'est pas de la mauvaise foi, ça y ressemble diablement.
Ah ! la Chersonèse Taurique des anciens Grecs ! Quel nom charmant ! Et plus que jamais d'actualité. Connaissez-vous le titre de l'exarque du patriarche de Moscou en France ? C'est celui d'évêque de Chersonèse. Depuis toujours, à chaque liturgie eucharistique, dans les paroisses orthodoxes de France qui dépendent du patriarcat de Moscou, nous prions pour l'évêque de Chersonèse. Ceux d'entre les lecteurs du Point qui me font l'honneur d'avoir mes livres dans leur bibliothèque savent que l'un de ces prélats m'inspira même un poème intitulé précisément "Chersonèse".

Vive la Crimée russe !

En ce temps pénitentiel de carême, je vous ferai un aveu. De son vivant, je fus jaloux de mon ami le théologien Olivier Clément. Je l'aimais beaucoup, il fut le témoin de mon mariage religieux à Londres, je suis le parrain de son fils, mais le patriarche de Constantinople lui avait conféré la distinction de Grand Chartophylax du Trône oecuménique, et cela m'épatait à un point dont vous n'avez pas idée. Faire graver sur ses cartes de visite : "Grand Chartophylax du Trône oecuménique", un rêve !
J'ai longtemps espéré que le patriarche de Constantinople, sensible à la place éminente qu'occupe l'Église orthodoxe dans mon travail d'écrivain, ferait de moi aussi un Grand Chartophylax, mais le temps passe, et telle Mme de Marlborough, je ne vois rien venir. Désormais, tous mes espoirs se tournent vers le patriarche de Moscou. Si je réussis à convaincre M. François Hollande de tenter à son tour de convaincre son ami Obama d'accepter que la Crimée reste russe et de renoncer à de misérables représailles d'ordre économique, ne pourrais-je pas recevoir l'Ordre de Saint-Vladimir (de Kiev, soit dit par parenthèse) ou, tel Tintin dans Le Sceptre d'Ottokar, être fait chevalier de l'Ordre du Pélican d'or ? Une telle distinction réjouirait mes vieux jours et, assurément, m'emplirait de bénignité envers l'actuel chef de l'État. La semaine dernière, dans ces colonnes, grâce à Christophe Girard, je me suis réconcilié avec M. Manuel Valls. Si demain, grâce à Sa Sainteté Cyrille Ier, je me mettais à écrire du bien de François Hollande, ce serait un miracle comparable à ceux de Lourdes ! Le Mamamouchi et le Chartophylax la main dans la main ! Embrassons-nous, Folleville ! Vive la Syldavie indépendante ! Vive la Crimée russe !
 
 
 


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