
N'étant pas fin connaisseur des problématiques propres à l'Amérique latine, je me contenterai, au gré de mes découvertes sur la toile, de relever (et reproduire) les articles me paraissant traiter avec intelligence et objectivité de ces problématiques.
Pour sauver son poste à la tête du Brésil, Dilma Rousseff saborde l’héritage de Lula
15 AOÛT 2015 | PAR LAMIA OUALALOU - MEDIAPART.
Menacée de destitution, impopulaire, et à la tête d’une coalition défaite, Dilma Rousseff estime que la seule façon de terminer son mandat est de s’allier à l’élite brésilienne avec qui elle vient de passer un accord ouvrant la voie au démantèlement du fragile État-providence brésilien.
De notre correspondante à Rio de Janeiro (Brésil).
- On sait déjà qu’il fera très beau dimanche 16 août sur tout le Brésil. À Rio de Janeiro, la température atteindra 32 degrés, 27 à Sao Paulo, une douceur exceptionnelle en plein hiver austral. De quoi inciter la population à sortir en nombre pour manifester contre la présidente Dilma Rousseff, à l’appel de plusieurs partis et mouvements d’opposition. Combien seront-ils dans tout le pays ? Des dizaines, des centaines de milliers ? Ou passeront-ils le seuil symbolique du million comme en mars dernier, quand le gouvernement avait été effrayé par l’ampleur des protestations ?
Ce qui est sûr, c’est qu’il y a longtemps que le Brésil n’avait pas eu à sa tête de chef d’État aussi impopulaire, depuis le rétablissement de la démocratie en 1985, à en croire l’institut de sondages Datafolha. La semaine dernière, 71 % de la population taxait ainsi le gouvernement de Dilma Rousseff de « mauvais ou catastrophique ». Elle fait pire que les 68 % d’insatisfaits de l’ex-président Fernando Collor, en 1992. Menacé d’être déposé par le Congrès à la suite d’un scandale de corruption, il avait été contraint à la démission. Une menace identique semble planer sur Dilma Rousseff. Toujours selon Datafolha, les deux tiers des Brésiliens approuveraient l’ouverture d’un processus de destitution.
« La rapidité avec laquelle la popularité de la présidente s’est effondrée est impressionnante », remarque Mauricio Santoro, professeur de sciences politiques à l’Université d’État de Rio de Janeiro. « Surtout, elle touche toutes les classes sociales, pas seulement les plus riches qui détestent Dilma Rousseff, son prédécesseur Luiz Inacio Lula da Silva, et le Parti des travailleurs (PT), dont ils proviennent », poursuit-il. Dimanche, l’essentiel des manifestants viendra des classes aisées, mais l’insatisfaction est générale. D’ailleurs, l’autre stratégie de protestation adoptée ces derniers mois pour agresser le gouvernement, le concert de casseroles, a fait des émules au-delà des beaux quartiers. Convoqués via les réseaux sociaux à l’heure des discours de Dilma Rousseff et du PT à la télévision, des foyers ont fait résonner leurs ustensiles de cuisine même dans les faubourgs de la petite classe moyenne.
Les Brésiliens sont en colère. Contre une crise économique dont ils commencent à peine à comprendre l’ampleur, alors que les licenciements sont quotidiens, dans tous les secteurs. La récession est installée, et le produit intérieur brut (PIB) pourrait diminuer de 2 % cette année. L’inflation continue à galoper, flirtant avec la barre des 9 %, grignotant d’autant les revenus. Et le crédit, indispensable à la consommation des foyers modestes, a disparu, suite à la montée en flèche du taux de la Banque centrale. Il vient d’atteindre 14,25 %, sept points de plus qu’en mars 2013.
Les Brésiliens sont en colère contre la politique du gouvernement qui ne répond à la crise que par la rigueur, sous la tutelle d’un banquier, Joaquim Levy, ministre des finances. Les coupes budgétaires touchent tous les ministères, dont la santé, l’éducation, et les programmes sociaux, une première depuis l’arrivée de Lula en 2003. Les investissements publics sont gelés, notamment ceux qui finançaient la construction de logements sociaux. « Quelle que soit la raison de cette politique, le problème c’est que Dilma n’a jamais pris le soin de communiquer, d’expliquer pourquoi elle a ordonné des coupes budgétaires », pointe Renato Meirelles, président de Data Popular, un institut spécialisé sur l’opinion et la consommation des classes populaires. « En conséquence, les plus pauvres ont l’impression qu’ils sont les seuls à payer la note, sans voir le bout du tunnel », dit-il.
Un sentiment aiguisé par la vision, en haut de la pyramide, d’élus et de chefs d’entreprises qui ont empoché des centaines de millions de reais, détournés de la compagnie d’hydrocarbures nationale Petrobras. Car le pays est secoué depuis un peu plus d’un an par une opération policière, « Lava Jato », littéralement « karcher », qui révèle un système de corruption aux dimensions insoupçonnées. Principale entreprise du pays, Petrobras débourse chaque année plusieurs milliards d’euros en investissements d’infrastructures — raffineries, complexe pétrochimique, expansion des capacités — surtout depuis la découverte, fin 2007, de gisements de pétrole en eaux profondes susceptibles de propulser le Brésil parmi les premiers producteurs mondiaux d’or noir.
Ses fournisseurs, qui sont aussi les plus grands groupes du BTP du Brésil, se seraient, selon la police, organisés en cartel, surnommé « le club », pour se distribuer les contrats sur lesquels ils feignaient d’être en compétition. Le tout avec la complicité d’une poignée de cadres haut placés de Petrobras, qui gonflaient la facture, et recevaient en échange des commissions variant de 1 % à 3 % du montant des contrats. Ils empochaient une partie de ces fonds, et en reversaient le reste aux partis politiques de la coalition au gouvernement. Les enquêteurs estiment que ces surfacturations auraient coûté à Petrobras au moins 10 milliards de reais (2,5 milliards d’euros).
Entamée comme une simple enquête dans un commissariat de province, l’opération « Lava Jato » est aujourd’hui une boîte de Pandore, dont plus personne n’ose estimer les limites. Une cinquantaine de politiques, parmi lesquels le président du Parlement et celui du Sénat, sont cités par le procureur fédéral. Certains sont derrière les barreaux. Grande nouveauté, des PDG des plus grandes entreprises du BTP, auparavant considérées intouchables, ont été accusés et emprisonnés. Au Brésil, une expression populaire dit que toutes les poursuites judiciaires contre des corrompus s’achèvent « autour d’une pizza », en clair, qu’elles sont enterrées. « Lava Jato » semble faire exception. Ce serait le signe de l’indépendance et la professionnalisation croissante de la police fédérale, comme de la justice fédérale et du procureur général de l’Union, un des héritages des années Lula, selon Mauricio Santoro. « Il a considérablement revalorisé les salaires et conditions de travail de la police fédérale, qui a commencé à attirer des gens de qualité. Surtout, ni lui ni Dilma n’ont jamais tenté d’interférer dans les travaux de la justice », explique-t-il.
Ballet de prétendants pour remplacer la présidente
Le caractère explosif de « Lava Jato » est aussi, estime-t-il, le résultat d’une autre opération judiciaire, le « Mensalao ». Accusant des membres du PT d’avoir versé des pots-de-vin à des députés pour obtenir leurs votes au parlement, le procès, qui empoisonne la vie politique brésilienne depuis dix ans, s’est récemment conclu. Les politiques ont écopé de peines atteignant une dizaine d’années de prison. Elles sont plus lourdes pour les opérateurs intermédiaires, dont certains ont été condamnés à passer vingt, trente ans derrière les barreaux. « Cela fait réfléchir … Résultat, pour Lava Jato, beaucoup des opérateurs intermédiaires accusés font appel à la prime à la dénonciation, ils racontent tout, pour réduire leur peine », souligne Mauricio Santoro.
Le grand déballage sème la panique au sein de l’élite politique et économique, et elle exacerbe le courroux de la classe moyenne. « La corruption a toujours été un fléau au Brésil, elle est aujourd’hui perçue comme la principale responsable de tous les maux, y compris de la récession », affirme Renato Meirelles. Si le prix de l’essence augmente à la pompe, c’est que les politiques ont trop volé Petrobras, rumine-t-on dans la rue. Une sagesse populaire qui repose sur une réalité : à l’origine de 15 % des investissements du pays, un Petrobras fragilisé signifie un ralentissement de l’économie. Surtout quand s’y superpose une paralysie des grands groupes du BTP, un secteur à forte intensité de main-d’œuvre.
Une crise économique profonde, un scandale de corruption ébranlant principalement le Parti des travailleurs et le gouvernement, une absence de communication avec la population… À ce cocktail s’ajoute un effondrement progressif de la majorité au pouvoir. Gouverner le Brésil est une gageure, tant le système électoral favorise l’éparpillement au profit de quelques caciques. Pour Dilma Rousseff, la donne est plus compliquée encore. Elle a hérité le 1er janvier du Congrès le plus conservateur depuis le rétablissement de la démocratie. Et elle a accumulé les gaffes politiques pour tenter de le contrôler ou du moins de composer avec lui. Nominations de ministres et de hauts fonctionnaires irritant l’aile majoritaire de sa propre formation politique, le PT, mais surtout de son principal allié au pouvoir, le Parti du Mouvement démocratique brésilien (PMDB), une formation fourre-tout, de tous les gouvernements ces trente dernières années. « Le vide de pouvoir à la tête de l’État aiguise l’appétit des différents prétendants du PMDB, cela fait voler en éclats les équilibres », avance Stéphane Monclaire, politologue et brasilianiste à l’Université Paris I-Sorbonne.
Président de l’Assemblée nationale, Eduardo Cunha, le premier de ces prétendants du PMDB, a volé la scène les six premiers mois de l’année. Avec à sa botte des dizaines de députés, dont il a fait financer les campagnes électorales par des entreprises « amies », Eduardo Cunha a imposé un agenda extrêmement conservateur, incluant par exemple l’abaissement de l’âge de la majorité pénale à 16 ans. Profitant du vide laissé par Dilma Rousseff, ce militant évangélique s’est rapidement présenté à l’opposition comme celui capable, sinon de la faire tomber, au moins de transformer son mandat en enfer.
Atteint par les révélations de « Lava Jato » — il aurait reçu au moins 5 millions de reais de cadres corrompus —, Eduardo Cunha a radicalisé l’affrontement pour faire diversion. Maître de l’agenda au Parlement, un pouvoir considérable, il est favorable au vote d’amendements qui mettraient en péril l’équilibre budgétaire et il accélère la mise en place de commissions d’enquêtes parlementaires qui plaideraient pour l’éviction de la présidente. Alors que l’épée de Damoclès judiciaire se rapproche de lui, il privilégie une stratégie de destruction tous azimuts.
Face à la menace de destitution de Dilma Rousseff, c’est l’air grave que son vice-président, Michel Temer, autre leader du PMDB, se présente en recours. Faussement loyaliste, il a expliqué la semaine dernière aux Brésiliens qu’il y avait urgence de trouver une « figure pour unifier le pays ». Selon la Constitution, c’est lui qui hériterait de l’écharpe présidentielle en cas de sortie précipitée de Dilma Rousseff. À moins qu’il ne soit également destitué, si par exemple les comptes de campagne étaient invalidés. Dans l’incertitude, il souffle le chaud et le froid, un pied dans la coalition, un pied contre elle.
Un troisième larron vient chahuter un peu plus le jeu politique. Il s’agit de Renan Calheiros, le président du Sénat. Lui aussi est impliqué dans le scandale de « Lava Jato », mais il a opté pour la discrétion. Véritable représentant de l’élite brésilienne traditionnelle, il a comme priorité, pour exister, de fragiliser Eduardo Cunha, son compagnon de parti.
Excellent manœuvrier, Renan Calheiros a proposé à Dilma Rousseff de travailler avec elle à un programme baptisé « Agenda Brasil », censé remettre le pays sur les rails tant d’un point de vue économique que politique. Il rappelle qu’il a à ses côtés les principales institutions patronales. Après avoir soufflé sur le feu, elles ont d’ailleurs publié la première semaine d’août une lettre ouverte contre la destitution de la présidente et en faveur de la stabilisation du pays. Même changement de ton à la tête des Organisations Globo, dont les deux principaux médias, le canal Globo et le quotidien homonyme, ont diffusé des prises de position en faveur du « respect de la légalité ».
Le président du Sénat Renan Calheiros et le président de l'Assemblée, Eduardo Cunha, le 15 juillet 2015 à Brasilia
Le président du Sénat Renan Calheiros et le président de l'Assemblée, Eduardo Cunha, le 15 juillet 2015 à Brasilia © Antonio Cruz/ Agência Brasil
Désespérée, Dilma Rousseff a aussitôt accepté la main tendue. « À la veille des manifestations, l’urgence, pour elle, c’est de faire baisser la tension », analyse Stéphane Monclaire. « Avec le président du Sénat, Globo et le patronat, elle trouve des alliés opportuns dont les déclarations pèsent lourd, car ils signifient à la classe politique dont ils financent les campagnes électorales qu’ils ne sont pas prêts à accepter n’importe quel projet aventurier pour ramener la droite au pouvoir », ajoute-t-il. D’autant qu’à trop déséquilibrer le pays, ces tentatives mettent leurs affaires en péril.
Pour l’élite brésilienne, la situation est inespérée. Car Dilma Rousseff accepte, avec l’Agenda Brasil, une série de mesures qui, si elles étaient votées, démantèleraient les fragiles bases d’un État-providence difficilement édifiées depuis le rétablissement de la démocratie. « En mettant en place le programme de rigueur, la présidente avait déjà accepté une exigence du patronat, qui était de faire augmenter le chômage pour freiner la hausse de salaire et diminuer le pouvoir de négociations des employés », pointe Ricardo Summa, professeur-adjoint à l’Institut d’économie de l’Université fédérale de Rio de Janeiro. Il rappelle qu’à partir de 2006, sous Lula, la revalorisation des salaires en termes réels (après avoir retiré l’impact de l’inflation) s’était généralisée. « Conjugués à une politique sociale plus inclusive, ces changements dans la redistribution des revenus ont provoqué une réaction politique des élites, qui a poussé le gouvernement à changer de politique, pour en finir avec la croissance des salaires », explique l’économiste.
Pour se maintenir au pouvoir, Dilma Rousseff est devenue otage de la droite
L’« Agenda Brasil » va beaucoup plus loin. « On peut dire qu’il ouvre dans le pays une période de "constituante de droite", plaçant toute la discussion politique dans une optique conservatrice », se désole Gilberto Maringoni, professeur de relations internationales à l’université fédérale ABC, à Sao Paulo. Derrière les appellations pudiques de « sécurité juridique », et de « revitalisation des investissements », on trouve par exemple la proposition de la généralisation du recours aux entreprises de sous-traitants, pour en finir avec le salariat et les protections des employés, ainsi que le relèvement de l’âge de la retraite. Le texte demande également d’alléger la législation sur les terres indigènes avec l’objectif de « les mettre en compatibilité avec les activités productives ». Mêmes exigences concernant les « zones côtières, aires naturelles protégées et villes historiques », pour qu’on puisse y attirer « de nouveaux investissements productifs ».
L’accès universel et gratuit à la santé, sans doute le principal acquis de la constitution de 1988, est aussi en ligne de mire. L’« Agenda Brasil » suggère que le recours au système public soit rendu payant selon les niveaux de revenus, et veut interdire aux patients de poursuivre leurs mutuelles de santé privées en justice. Or la violation des contrats par les mutuelles est une constante. Même en payant tous les mois des sommes très élevées, nombreux sont les patients qui sont abandonnés par elles quand il s’agit d’opérations ou de traitements coûteux, d’où une avalanche de procès, gagnés par les consommateurs. La proposition est un parfait exemple de la puissance du lobby de la santé privée. En 2014, selon les calculs de deux chercheurs, Mário Scheffer et Lígia Bahia, respectivement de l’Université de Sao Paulo et de l’Université fédérale de Rio de Janeiro, les mutuelles ont financé les campagnes électorales de 131 candidats au niveau national. Parmi les élus, on trouve la présidente de la République, trois gouverneurs, trois sénateurs et 29 députés.
« On se retrouve dans une situation totalement surréaliste », juge Mauricio Santoro. « Pour se maintenir au pouvoir, Dilma Rousseff est devenue otage d’un programme politique et économique qui n’est pas le sien et qu’elle a combattu pendant des années », estime-t-il. Dans ce contexte, son maintien au pouvoir est une aubaine pour le patronat et le secteur financier. « Pour eux, rien de mieux que Dilma pour mettre en œuvre leur programme et détruire les protections des travailleurs ; si elle était destituée, le PT passerait dans l’opposition et convoquerait des grèves, alors que là, ils ont la paix », ironise-t-il. Même furieux, les syndicats et les principaux mouvements sociaux sont impuissants. Ils voient le gouvernement qu’ils ont travaillé durement à élire en octobre dernier détruire systématiquement leurs acquis, y compris le droit de manifester. Une loi « antiterroriste » a été soumise dans l’urgence au Parlement cette semaine, mettant en péril les droits des militants des mouvements sociaux.
Pour Mauricio Santoro, malgré l’absurde de la situation, la présidente n’a pas d’autre issue si elle veut terminer son mandat. « Au Congrès, ses appuis sont trop faibles pour gouverner, et elle a tellement déstabilisé les mouvements de gauche qu’ils ont perdu leur capacité de mobilisation », dit-il. Surtout, alors que la droite a un programme clair à imposer au pays, le PT s’est réfugié dans le mutisme, sans offrir d’alternative. Un silence qui concerne aussi sa principale figure, Lula. On le voit un jour critiquant sotto voce le gouvernement, le lendemain, demandant aux Brésiliens de la compréhension à l’égard de Dilma, le tout en prenant soin de mettre de la distance entre sa dauphine et lui. Car Lula reste la seule chance pour le PT de se remettre en selle en 2018.
La popularité de l’ex-président, astronomique en fin de mandat (plus de 80 % des Brésiliens plébiscitaient son gouvernement), est aujourd’hui en chute, atteinte par les dénonciations de corruption sur certains de ses proches et par la mauvaise gestion de celle qu’il a désignée pour lui succéder. « Mais malgré son silence, malgré les attaques quotidiennes de la presse à son encontre, Lula garde un plancher de popularité de 30 %, dont aucun homme politique ne jouit aujourd’hui au Brésil », remarque Renato Meirelles. Précisant qu’il ne se prononce pas sur le bilan de l’ex-président, il ajoute : « Tous les derniers bons souvenirs des Brésiliens, toutes les opportunités qu’ils ont eues et qu’ils pensaient ne pas avoir, datent de l’époque de Lula, lui sait leur parler, leur raconter le Brésil », poursuit-il. En 2008, quand le pays était violemment frappé par la crise économique, le chef d’État était monté au créneau, rassurant, et demandant à la population de garder confiance. « Il offrait des perspectives », résume Renato Meirelles.
Le président de l’institut Data Popular se dit marqué par le résultat de ses dernières enquêtes. « Lorsqu’on demande aux sondés quelle est leur vision du futur, c’est le silence, puis ils disent la peur, l’incertitude », note-t-il. Il y a quelques années, à la même question, « ils répondaient aussitôt qu’ils rêvaient d’acheter une maison, de monter une entreprise, ou de voir leur fils à l’université. On connaît une crise de perspective grave », s’inquiète Renato Meirelles.
Elle est d’autant plus inquiétante que le paysage politique semble incapable de répondre, aussi bien au gouvernement que dans l’opposition. Pour Renato Meirelles, c’est ce fait qui repousse le risque de destitution de la présidente. « Les Brésiliens sont convaincus que les principaux opposants veulent sa place seulement pour avoir le pouvoir et ses privilèges, sans la moindre pensée pour l’intérêt public », assure-t-il. Les leçons des grandes manifestations de 2013, qui avaient jeté des millions de personnes dans la rue et montré l’ampleur du divorce entre la population et ses représentants politiques, n’ont pas porté leurs fruits, abonde Mauricio Santoro. « Les politiques, y compris le PT, continuent à parler de ce que les Brésiliens ont à manger, sans comprendre que la population est passée à autre chose. Les gens sont dans la rue pour exiger de la transparence, des services publics de qualité, en bref, d’être respectés comme citoyens », dit-il.
À moins que les manifestations de dimanche ne soient gigantesques, ce qui créerait une nouvelle pression, Dilma Rousseff a donc gagné du temps en embrassant l’agenda conservateur de l’élite. La crise politique n’en est pas pour autant écartée. Elle dépend de l’aggravation de la situation économique, de nouveaux rebondissements de l’opération « Lava Jato », de la course aux ambitions dans les principaux partis, du jeu des médias, et de la société civile. « Je ne crois pas que le soufflé soit retombé, la crise se nourrit aujourd’hui de l’interpénétration de tous ces éléments, tout est extrêmement fluide et poreux, l’incertitude est telle, et les interprétations si divergentes que tout peut encore se produire », raisonne Stéphane Monclaire. À supposer pourtant que Dilma Rousseff survive, et mène à bout son mandat, on sait déjà, à plus de trois ans de la prochaine élection présidentielle, que sa permanence au pouvoir aura coûté très cher aux classes populaires et au camp progressiste en général.
Suite à cet article , une commentatrice de MEDIAPART, ANNE-MARIE MILON OLIVEIRA, a publié le commentaire ci-après, reproduit intégralement :
Comme on dit ici au Brésil, Dilma est parvenue à mécontenter à la fois les grecs et les troyens. Mais votre correspondante a omis de parler de la féroce campagne de presse menée depuis l´ élection de Lula, mais surtout à partir de la campagne électorale remportée par Dilma et qui vise à présent: 1) A abattre celle-ci afin de rendre le pouvoir à "qui de droit", c´est à dire aux élites qui gouvernent ce pays depuis toujours et 2) tant que cela n´est pas possible, à remettre le présidente "dans le droit chemin", c´est à dire celui préconisé par les "marchés". C´est à présent chose faite et ce que dit l´article est vrai: Dilma fait exactement la politique de ses adversaires qui rêvent encore, malgré tout, de la renverser..
Il faut dire que la presse et les media, dont la très puissante TV Globo sont ici ultra concentrés, oligarchisés, qu´il n´y a pas, à de très rares exceptions près, de presse d´opposition et comme disent ceux qui ne se laissent pas embobiner, que l´opinion publiée devient, de fait, l´opinion publique. C´est de cela que sera aussi nourrie la manif de demain. Malheureusement, ce n´est pas à l´école qu´on apprend à lire les journaux ou à interpréter le message politique diffusé par la télévision, un message clairement tendancieux et manipulateur.
Renverser Dilma, malgré toutes ses erreurs et trahisons ne viendrait pas renforcer la démocratie. Cela constituerait, dans la tradition politique brésilienne, un coup d´état de plus provoqué para la même élite qui gouverne depuis toujours le pays. Une propagande compétente alliée, pour les classes les plus pauvres à une police d´une rare brutalité, permet d´éviter l´utilisation de l´armée. Un coup d´état militaire ne ferait pas bien dans le tableau. L´élite politique et financière brésilienne qui domine ces media est la principale alliée interne du grand frère américain et notamment des grandes compagnies de pétrole qui convoitent les formidables réserves en grande profondeur découvertes, justement, sous le gouvernement de Lula. D´où le battage autour d´affaires récentes, réelles et très graves de corruption dans la compagnie nationale des pétroles, la Petrobrás qu´on voudrait bien privatiser.
C´est pourquoi on ne peut accepter comme "normale" une éventuelle destitution de Dilma. Il faut envers et contre tout persévérer dans la critique et l´opposition qui sont des attitudes démocratiques.
Ceci dit, le dénominateur commun entre Dilma, Cristina, Alexis et même François le Pathétique c´est leur plus ou moins grande honnêteté, capacité et courage à résister au seul vrai gouvernement qui existe dans le monde, celui du TINA (There is no Alternative), cher à Margareth Thatcher.
Je relève dans un précédent article de Lamia (mars 2015):
"Si la corruption est endémique au Brésil, Lava-jato a permis, pour la première fois, d’en décrypter les mécanismes et d’en nommer les bénéficiaires politiques. Également inédite : la mise en cause des entreprises à l’origine de la corruption"
Il conviendrait de questionner ce "pour la première fois". Si cela signifie que la société a enfin pris conscience du fait de la corruption endémique, cela est vraiment salutaire.
Mais les faits dénoncés dans le procès "karcher" (nostalgie de Sarko!) sont malheureusement pour le moins entachés de secondes intentions. Dans mes conversations, surtout avec ceux des brésiliens qui n´ont pas eu accès à une scolarité complète, il semble que seul le PT est corrompu. Les journaux ne parlent que du PT et, ce qui n´était probablement pas prévu au script, des grandes entreprises, surtout de BTP qui financent les campagnes électorales des candidats et espèrent un retour de l´ascenseur une fois ceux-ci réélus. Le parlement vient d´ailleurs de rejeter la réforme proposée par les forces démocratiques visant à interdire le financement privé des campagnes électorales. Celui-ci est une importante source de corruption que la majorité des députés fait mine de dénoncer.
La corruption existe bien-sur depuis toujours au Brésil, mais curieusement, quand l´élite de toujours était au pouvoir, la presse n´en parlait pas. Comme elle ne parle toujours pas ou très peu, tout au plus dans les pages intérieures, des scandales concernant les gouverneurs de l´actuelle opposition ou les anciens présidents situés du "bon côté" comme Fernando Henrique Cardoso qui a acheté des voix au parlement pour changer la constitution et pouvoir briguer un second mandat.
En outre nombre de dénonciations actuelles sont le fait de justiciables du "lava-jato" et sont le fruit d´un dispositif juridique destiné à "bénéficier" le dénonciateur ("dénonciation primée").
Sans exclure en aucune façon le gravité des faits dénoncés, dans quelle mesure ces dénonciations peuvent-elles être considérées comme l´exact reflet de la vérité?
Le martellement quotidien des media et de la presse sur ce thème tristement vrai ont un autre effet: selon de récentes enquêtes, les brésiliens dans leur grande majorité n´ont plus aucune confiance dans leurs élus. Sont ils murs pour une nouvelle dictature?
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Une autre approche de la problématique brésilienne est présentée dans MEDIAPART sous la plume de Marilza de Melo Foucher ( blog) :
Il faut dire que la presse et les media, dont la très puissante TV Globo sont ici ultra concentrés, oligarchisés, qu´il n´y a pas, à de très rares exceptions près, de presse d´opposition et comme disent ceux qui ne se laissent pas embobiner, que l´opinion publiée devient, de fait, l´opinion publique. C´est de cela que sera aussi nourrie la manif de demain. Malheureusement, ce n´est pas à l´école qu´on apprend à lire les journaux ou à interpréter le message politique diffusé par la télévision, un message clairement tendancieux et manipulateur.
Renverser Dilma, malgré toutes ses erreurs et trahisons ne viendrait pas renforcer la démocratie. Cela constituerait, dans la tradition politique brésilienne, un coup d´état de plus provoqué para la même élite qui gouverne depuis toujours le pays. Une propagande compétente alliée, pour les classes les plus pauvres à une police d´une rare brutalité, permet d´éviter l´utilisation de l´armée. Un coup d´état militaire ne ferait pas bien dans le tableau. L´élite politique et financière brésilienne qui domine ces media est la principale alliée interne du grand frère américain et notamment des grandes compagnies de pétrole qui convoitent les formidables réserves en grande profondeur découvertes, justement, sous le gouvernement de Lula. D´où le battage autour d´affaires récentes, réelles et très graves de corruption dans la compagnie nationale des pétroles, la Petrobrás qu´on voudrait bien privatiser.
C´est pourquoi on ne peut accepter comme "normale" une éventuelle destitution de Dilma. Il faut envers et contre tout persévérer dans la critique et l´opposition qui sont des attitudes démocratiques.
Ceci dit, le dénominateur commun entre Dilma, Cristina, Alexis et même François le Pathétique c´est leur plus ou moins grande honnêteté, capacité et courage à résister au seul vrai gouvernement qui existe dans le monde, celui du TINA (There is no Alternative), cher à Margareth Thatcher.
Je relève dans un précédent article de Lamia (mars 2015):
"Si la corruption est endémique au Brésil, Lava-jato a permis, pour la première fois, d’en décrypter les mécanismes et d’en nommer les bénéficiaires politiques. Également inédite : la mise en cause des entreprises à l’origine de la corruption"
Il conviendrait de questionner ce "pour la première fois". Si cela signifie que la société a enfin pris conscience du fait de la corruption endémique, cela est vraiment salutaire.
Mais les faits dénoncés dans le procès "karcher" (nostalgie de Sarko!) sont malheureusement pour le moins entachés de secondes intentions. Dans mes conversations, surtout avec ceux des brésiliens qui n´ont pas eu accès à une scolarité complète, il semble que seul le PT est corrompu. Les journaux ne parlent que du PT et, ce qui n´était probablement pas prévu au script, des grandes entreprises, surtout de BTP qui financent les campagnes électorales des candidats et espèrent un retour de l´ascenseur une fois ceux-ci réélus. Le parlement vient d´ailleurs de rejeter la réforme proposée par les forces démocratiques visant à interdire le financement privé des campagnes électorales. Celui-ci est une importante source de corruption que la majorité des députés fait mine de dénoncer.
La corruption existe bien-sur depuis toujours au Brésil, mais curieusement, quand l´élite de toujours était au pouvoir, la presse n´en parlait pas. Comme elle ne parle toujours pas ou très peu, tout au plus dans les pages intérieures, des scandales concernant les gouverneurs de l´actuelle opposition ou les anciens présidents situés du "bon côté" comme Fernando Henrique Cardoso qui a acheté des voix au parlement pour changer la constitution et pouvoir briguer un second mandat.
En outre nombre de dénonciations actuelles sont le fait de justiciables du "lava-jato" et sont le fruit d´un dispositif juridique destiné à "bénéficier" le dénonciateur ("dénonciation primée").
Sans exclure en aucune façon le gravité des faits dénoncés, dans quelle mesure ces dénonciations peuvent-elles être considérées comme l´exact reflet de la vérité?
Le martellement quotidien des media et de la presse sur ce thème tristement vrai ont un autre effet: selon de récentes enquêtes, les brésiliens dans leur grande majorité n´ont plus aucune confiance dans leurs élus. Sont ils murs pour une nouvelle dictature?
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Une autre approche de la problématique brésilienne est présentée dans MEDIAPART sous la plume de Marilza de Melo Foucher ( blog) :
Un climat de haine anéantit la démocratie au Brésil
17 AOÛT 2015 | PAR MARILZA DE MELO FOUCHER – MEDIAPART
Un sentiment de tension constante semble être s’emparé de la vie politique brésilienne. Le plus inquiétant est le climat d’intolérance où les semences de la haine se propagent partout et la xénophobie se diffuse impunément. Ce climat de haine provient principalement de la droite. La Présidente Dilma Rousseff est la cible permanente d’une vaste campagne de déstabilisation.
Réélue avec une marge de voix étroite (51,64% de voix) sa victoire a été considérée par l’opposition comme une défaite. En fait, les moyens de communication, radios et télés ont présenté une « victoire de justesse » comme une défaite politique. L’opposition n’a jamais digéré sa défaite et a prolongé la bataille politique de la présidentielle jusqu'à créer une polarisation de la vie politique et une division dans le pays. Il faut préciser que la campagne pour la destitution est apparue lorsque les sondages au second tour ont tourné en faveur de Dilma. Le gouvernement venait à peine d’être élu et certains chroniqueurs des journaux conservateurs demandaient déjà sa destitution, alors que c’était juridiquement impossible. Sans accepter le résultat des urnes ils ont commencé à faire barrage à la gouvernabilité. Les partis de la droite brésilienne et les secteurs les plus conservateurs de la société, ont toujours eu le soutien inconditionnel du quatrième pouvoir- les grands médias au Brésil. Comme disait le Président du Mouvement Sans Terre « au Brésil le pouvoir médiatique a la capacité de prendre en otage les partis et les secteurs des institutions républicaines ». La tactique a été d’organiser une pression continue, afin de déstabiliser le pouvoir en combinant l’action parlementaire, l’action de rue et la dénonciation des scandales.
Tous les secteurs de la droite à l’extrême droite sont sortis du bois et avec l’appui des médias et des groupes politiques parfois fascistes ils ont intensifié l’agitation sur les réseaux sociaux de l’Internet dans le but de renverser le gouvernement de la présidente Dilma Rousseff. Ils ont mis en place diverses stratégies, y compris la promotion de campagnes de diffamation, de désinformation, la propagation de la haine, de la peur et la dénonciation d’un système de corruption crée par le Partis de Travailleur-PT. Ces secteurs conservateurs on aussi su profiter de la détérioration économique du Brésil, pour faire monter la radicalisation de la classe moyenne brésilienne, la première touchée par la crise, la diminution de son pouvoir d’achat l’obligeant à freiner son euphorie consommatrice. Il faut souligner que la Présidente Dilma a été piégée par la durée d’une crise économique globale et systémique.
Le début de son gouvernement "Dilma II" a été désastreux, elle a mis en place une équipe pour gérer la gouvernabilité économique, plutôt libérale, qui a proposé des mesures qui ne correspondaient pas aux promesses de campagne. La gauche a été déçue et la droite a crié à l’escroquerie électorale. Le silence de la présidente Dilma au début de son mandat sur l’aggravation de la crise économique et la justification de ces choix ont généré un certain malaise et ont créé un vide politique dont la droite a su profiter.
La Présidente Dilma Rousseff aujourd’hui ne dispose pas d’une majorité pour faire passer ses réformes. Depuis l’élection de 2014, le parlement élu au Brésil comprend le plus grand nombre de législateurs millionnaires, les plus riches de l’histoire républicaine. Selon le DIAP –Département intersyndical de conseil parlementaire, le PMDB est le parti qui rassemble plus de millionnaires, avec 39 candidats élus. Le PSDB est arrivé second, avec 32 députés. Les deux partis qui ont le moins de millionnaires sont les élus du PT, avec 13, et le PDT, avec 11. Les élus sont des représentants des secteurs agricoles et agro-business (257 élus), des hommes d'affaires (190 élus), les riches pasteurs et membres des églises évangéliques (52 élus), des anciens membres de la police (56 élus), les élus représentant des travailleurs sont passés de 83 à 46 élus. Au total 462 hommes et 51 femmes. La majorité de ces élus sont hostiles à la continuité de la politique de développement avec inclusion sociale menée pas les gouvernements de Lula et suivi par Dilma lors son première mandat.
Au cours des dernières élections, les candidats de droite et de l’extrême droite ont eu les meilleurs résultats au parlement brésilien. De plus, la droite se diversifie et se popularise. Elle n’est plus seulement présente dans des grands partis, ses alliés les plus réactionnaires et extrémistes sont présents aussi dans les petits partis. Beaucoup sont connus comme des partis « physiologique » (Au Brésil l'expression «Partis physiologique» décrit des partis politiques qui n’ont pas de philosophie ils sont structurés pour avoir des postes de pouvoir et toucher des fonds publics). Ces partis politiques ne parviennent pas à connecter l'intérêt individuel et l'intérêt public, ils agissent plus comme des factions et sont capables de prendre possession de l'intérêt public pour satisfaire leurs intérêts privés et substituer ceux-ci à celui-là. Le résultat est le blocage de toutes les lois présentées par le gouvernement. Ainsi que la mise en cause des acquis sociaux, des programmes d’inclusion sociale, de la défense de l'égalité et de la promotion des libertés.
Le vice-président Michel Temer intègre le parti de la base allié, le PMDB -Parti du Mouvement démocratique Brésilien qui dès le début du second mandat, maintient une posture ambiguë - soutenir le gouvernement pour partager le pouvoir et en même temps nourrir l'opposition. Cette posture, il l’a adopté depuis la démocratisation du pays en 1985. Avec sept gouverneurs, 66 députés y compris le Président de la chambre des députés le conservateur évangélique, Eduardo Cunha. Le PMDB dispose au Senat de 18 sénateurs (y compris le Président du Sénat Renan Calheiros). Les deux Présidents font opposition à la Présidente Dilma. Le PMDB dicte aujourd’hui le rythme du gouvernement. Le but est de fragiliser au maximum Dilma Rousseff pour donner plus de pouvoir au Vice-président qui est aujourd’hui le porte–parole politique nommé par Dilma ! Pour compléter le cadre de la crise institutionnelle, les deux Présidents ont été accusés de corruption par l’opération « lava jato ». Ces politiciens aujourd'hui contribuent à l'aggravation de la crise politique et économique en organisant un complot visant à renverser le gouvernement accusé de corruption. Les scandales de corruption touchent l’ensemble des partis politiques de droite, mais les médias mettent en avant uniquement la participation des personnalités importantes du PT. En fait la corruption n’a pas véritablement augmenté ces dernières années, mais c’est la qualité du contrôle, la visibilité des accusations et l’accès aux informations révélatrices qui se sont accrus. Et c’est sous le gouvernement de Dilma Rousseff que les moyens pour la lutte contre la corruption se sont accrus. La Présidente du Brésil a fait de la « culture de la transparence » son principal cheval de bataille.
Malheureusement la corruption est endémique au Brésil, on la trouve partout. Elle n’est pas le propre de la classe politique ! Le détournement des deniers publics est connu comme un véritable « sport national » qui touche tristement toutes les strates de l’Etat, du secteur privé et même du secteur des organisations à but non lucratif. Le « jeitinho » brésilien est bien connu, ce sont des petites « combines » quotidiennes presque culturelles, qui permettent à nombre de brésiliens de tout simplement s’en sortir. Il suffit aussi de jeter un regard sur la trajectoire politique brésilienne depuis le début de la République pour constater que le virus de la corruption s’est épandu à l’ensemble de la société brésilienne. La majorité des hommes politiques sont tous empêtrés dans des systèmes de corruption, ils ont toujours alimenté le mélange entre les intérêts publics et privés. Cette habitude a été considérée comme inhérente à l’«être politique » ! Donc, ceux qui aujourd’hui semblent scandalisé par la corruption, sont les mêmes qui hier ont voté le financement privé des campagnes politiques et ne souhaitent pas une vraie reforme du système politique au Brésil voulue par la majorité des brésiliens.
Démonter ce système et la culture de corruption est une affaire de tous les brésiliens. La corruption n’a pas de partis politiques. Elle n’est pas née avec le PT comme la grande presse et la droite la plus corrompue essayent de le faire croire. Il faut aussi signaler que la question de la crise politique n’a pas été déclenchée par l’enquête de la Police fédérale à propos du système de corruption lié à Petrobras, connu comme l’opération « Lava Jato », toutefois, l'environnement politique semble bouleversé par les révélations qui touchent le monde d'affaires et les politiques qui utilisent l'Etat à leur profit. Les grandes révélations qui jettent un doute sur l'élection des députés, des sénateurs, des gouverneurs, et de leur propre Président. L’Opération « Lava Jato » (scandale de la Petrobras) démontre que le cœur du capitalisme brésilien est entièrement corrompu. Si le scandale s’élargit et s’étend jusqu’à l’ère de Fernando Henrique Cardoso (prédécesseur de Lula)–ce qui est le moins que l’on puisse espérer – ce scandale touchera encore plus le PSDB que le Parti de Travailleurs. Pour se rendre compte de son niveau de corruption, il suffit de parler du scandale lié au cartel du Métro de São Paulo, par exemple qui a la même caractéristique que la crise à Petrobras. Une question se pose : Est-ce que la situation est pire aujourd'hui qu'elle ne l'était dans le passé? Est-ce-que la Présidente Dilma est intervenue pour bloquer les avancés des enquêtes judicaires ? Personne ne croit que la destitution de Dilma sera déterminée par le soupçon qu'elle a été personnellement impliquée dans un système de corruption.
Dans ce cadre complexe, truffé de contradictions, la droite avance tous ses pions pour empêcher la réussite du gouvernement Dilma car elle a peur que Lula revienne au pouvoir. Selon les projections du gouvernement, la croissance sera de 1,5%, même avec ce taux croissance en baisse les signes de reprise sont là et la situation du Brésil n’est pas désespérée, contrairement à ce que décrivent les grands médias brésiliens, car le pays dispose de ressources naturelles abondantes et son économie est relativement diversifiée.
Le mois d’août, sans aucun doute marquera l’histoire de la polarisation politique au Brésil. Le 16 août les adversaires du gouvernement Dilma, ceux qui ont la haine viscérale du PT et de toute la gauche brésilienne feront la troisième grande manifestation en faveur du coup d'Etat, ils demandent la destitution de la présidente Dilma Rousseff. Ce sera le Brésil de "la république de ceux qui en ont." Ceux qui ne veulent pas un développement avec inclusion sociale. Le Brésil inégal n'a jamais affecté le Brésil des privilégiés. Plus de pauvreté et une concentration toujours plus grande de la richesse. Tout cela est bénéfique pour les riches! Un salaire minimum plus bas pour de meilleurs profits des entreprises!
Le 20 août sera le tour de ceux qui n’acceptent pas le retour de la dictature et font de la résistance contre les fascistes. Ils occupent la rue pour défendre la démocratie et les acquis sociaux. Ils veulent une république citoyenne et sans corruption. Ce sera la République de des privilégiés le 16 août, face à la République de la citoyenneté active, le 20 Août.
Le jeudi (13/8), Dilma a reçu au palais présidentiel les centaines de représentants de divers mouvements sociaux brésiliens. UNE, CTB, CUT, MTST, MST et d'autres mouvements ont exprimé leur engagement envers la démocratie et la volonté de lutter contre le coup d'Etat, mais ils ont aussi demandé à la présidente des mesures efficaces afin que les travailleurs ne paient pas le compte de la crise économique.
Les organisations sociales ne permettront pas que l’agenda politique soit dicté par le Président du sénat et les membres du Congrès qui défendent seulement les intérêts de la République de privilégiés. La dernière enquête d’opinion publique de le confirme : La majorité de la population approuve les programmes de distribution des revenus, les politiques de réduction des inégalités. Parmi tous ceux qui seront dans rue le 20 août prochain il y aura aussi ceux qui sont critiques vis-à-vis de la politique d’austérité du gouvernement de Dilma Rousseff.
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Un sentiment de tension constante semble être s’emparé de la vie politique brésilienne. Le plus inquiétant est le climat d’intolérance où les semences de la haine se propagent partout et la xénophobie se diffuse impunément. Ce climat de haine provient principalement de la droite. La Présidente Dilma Rousseff est la cible permanente d’une vaste campagne de déstabilisation.
Réélue avec une marge de voix étroite (51,64% de voix) sa victoire a été considérée par l’opposition comme une défaite. En fait, les moyens de communication, radios et télés ont présenté une « victoire de justesse » comme une défaite politique. L’opposition n’a jamais digéré sa défaite et a prolongé la bataille politique de la présidentielle jusqu'à créer une polarisation de la vie politique et une division dans le pays. Il faut préciser que la campagne pour la destitution est apparue lorsque les sondages au second tour ont tourné en faveur de Dilma. Le gouvernement venait à peine d’être élu et certains chroniqueurs des journaux conservateurs demandaient déjà sa destitution, alors que c’était juridiquement impossible. Sans accepter le résultat des urnes ils ont commencé à faire barrage à la gouvernabilité. Les partis de la droite brésilienne et les secteurs les plus conservateurs de la société, ont toujours eu le soutien inconditionnel du quatrième pouvoir- les grands médias au Brésil. Comme disait le Président du Mouvement Sans Terre « au Brésil le pouvoir médiatique a la capacité de prendre en otage les partis et les secteurs des institutions républicaines ». La tactique a été d’organiser une pression continue, afin de déstabiliser le pouvoir en combinant l’action parlementaire, l’action de rue et la dénonciation des scandales.
Tous les secteurs de la droite à l’extrême droite sont sortis du bois et avec l’appui des médias et des groupes politiques parfois fascistes ils ont intensifié l’agitation sur les réseaux sociaux de l’Internet dans le but de renverser le gouvernement de la présidente Dilma Rousseff. Ils ont mis en place diverses stratégies, y compris la promotion de campagnes de diffamation, de désinformation, la propagation de la haine, de la peur et la dénonciation d’un système de corruption crée par le Partis de Travailleur-PT. Ces secteurs conservateurs on aussi su profiter de la détérioration économique du Brésil, pour faire monter la radicalisation de la classe moyenne brésilienne, la première touchée par la crise, la diminution de son pouvoir d’achat l’obligeant à freiner son euphorie consommatrice. Il faut souligner que la Présidente Dilma a été piégée par la durée d’une crise économique globale et systémique.
Le début de son gouvernement "Dilma II" a été désastreux, elle a mis en place une équipe pour gérer la gouvernabilité économique, plutôt libérale, qui a proposé des mesures qui ne correspondaient pas aux promesses de campagne. La gauche a été déçue et la droite a crié à l’escroquerie électorale. Le silence de la présidente Dilma au début de son mandat sur l’aggravation de la crise économique et la justification de ces choix ont généré un certain malaise et ont créé un vide politique dont la droite a su profiter.
La Présidente Dilma Rousseff aujourd’hui ne dispose pas d’une majorité pour faire passer ses réformes. Depuis l’élection de 2014, le parlement élu au Brésil comprend le plus grand nombre de législateurs millionnaires, les plus riches de l’histoire républicaine. Selon le DIAP –Département intersyndical de conseil parlementaire, le PMDB est le parti qui rassemble plus de millionnaires, avec 39 candidats élus. Le PSDB est arrivé second, avec 32 députés. Les deux partis qui ont le moins de millionnaires sont les élus du PT, avec 13, et le PDT, avec 11. Les élus sont des représentants des secteurs agricoles et agro-business (257 élus), des hommes d'affaires (190 élus), les riches pasteurs et membres des églises évangéliques (52 élus), des anciens membres de la police (56 élus), les élus représentant des travailleurs sont passés de 83 à 46 élus. Au total 462 hommes et 51 femmes. La majorité de ces élus sont hostiles à la continuité de la politique de développement avec inclusion sociale menée pas les gouvernements de Lula et suivi par Dilma lors son première mandat.
Au cours des dernières élections, les candidats de droite et de l’extrême droite ont eu les meilleurs résultats au parlement brésilien. De plus, la droite se diversifie et se popularise. Elle n’est plus seulement présente dans des grands partis, ses alliés les plus réactionnaires et extrémistes sont présents aussi dans les petits partis. Beaucoup sont connus comme des partis « physiologique » (Au Brésil l'expression «Partis physiologique» décrit des partis politiques qui n’ont pas de philosophie ils sont structurés pour avoir des postes de pouvoir et toucher des fonds publics). Ces partis politiques ne parviennent pas à connecter l'intérêt individuel et l'intérêt public, ils agissent plus comme des factions et sont capables de prendre possession de l'intérêt public pour satisfaire leurs intérêts privés et substituer ceux-ci à celui-là. Le résultat est le blocage de toutes les lois présentées par le gouvernement. Ainsi que la mise en cause des acquis sociaux, des programmes d’inclusion sociale, de la défense de l'égalité et de la promotion des libertés.
Le vice-président Michel Temer intègre le parti de la base allié, le PMDB -Parti du Mouvement démocratique Brésilien qui dès le début du second mandat, maintient une posture ambiguë - soutenir le gouvernement pour partager le pouvoir et en même temps nourrir l'opposition. Cette posture, il l’a adopté depuis la démocratisation du pays en 1985. Avec sept gouverneurs, 66 députés y compris le Président de la chambre des députés le conservateur évangélique, Eduardo Cunha. Le PMDB dispose au Senat de 18 sénateurs (y compris le Président du Sénat Renan Calheiros). Les deux Présidents font opposition à la Présidente Dilma. Le PMDB dicte aujourd’hui le rythme du gouvernement. Le but est de fragiliser au maximum Dilma Rousseff pour donner plus de pouvoir au Vice-président qui est aujourd’hui le porte–parole politique nommé par Dilma ! Pour compléter le cadre de la crise institutionnelle, les deux Présidents ont été accusés de corruption par l’opération « lava jato ». Ces politiciens aujourd'hui contribuent à l'aggravation de la crise politique et économique en organisant un complot visant à renverser le gouvernement accusé de corruption. Les scandales de corruption touchent l’ensemble des partis politiques de droite, mais les médias mettent en avant uniquement la participation des personnalités importantes du PT. En fait la corruption n’a pas véritablement augmenté ces dernières années, mais c’est la qualité du contrôle, la visibilité des accusations et l’accès aux informations révélatrices qui se sont accrus. Et c’est sous le gouvernement de Dilma Rousseff que les moyens pour la lutte contre la corruption se sont accrus. La Présidente du Brésil a fait de la « culture de la transparence » son principal cheval de bataille.
Malheureusement la corruption est endémique au Brésil, on la trouve partout. Elle n’est pas le propre de la classe politique ! Le détournement des deniers publics est connu comme un véritable « sport national » qui touche tristement toutes les strates de l’Etat, du secteur privé et même du secteur des organisations à but non lucratif. Le « jeitinho » brésilien est bien connu, ce sont des petites « combines » quotidiennes presque culturelles, qui permettent à nombre de brésiliens de tout simplement s’en sortir. Il suffit aussi de jeter un regard sur la trajectoire politique brésilienne depuis le début de la République pour constater que le virus de la corruption s’est épandu à l’ensemble de la société brésilienne. La majorité des hommes politiques sont tous empêtrés dans des systèmes de corruption, ils ont toujours alimenté le mélange entre les intérêts publics et privés. Cette habitude a été considérée comme inhérente à l’«être politique » ! Donc, ceux qui aujourd’hui semblent scandalisé par la corruption, sont les mêmes qui hier ont voté le financement privé des campagnes politiques et ne souhaitent pas une vraie reforme du système politique au Brésil voulue par la majorité des brésiliens.
Démonter ce système et la culture de corruption est une affaire de tous les brésiliens. La corruption n’a pas de partis politiques. Elle n’est pas née avec le PT comme la grande presse et la droite la plus corrompue essayent de le faire croire. Il faut aussi signaler que la question de la crise politique n’a pas été déclenchée par l’enquête de la Police fédérale à propos du système de corruption lié à Petrobras, connu comme l’opération « Lava Jato », toutefois, l'environnement politique semble bouleversé par les révélations qui touchent le monde d'affaires et les politiques qui utilisent l'Etat à leur profit. Les grandes révélations qui jettent un doute sur l'élection des députés, des sénateurs, des gouverneurs, et de leur propre Président. L’Opération « Lava Jato » (scandale de la Petrobras) démontre que le cœur du capitalisme brésilien est entièrement corrompu. Si le scandale s’élargit et s’étend jusqu’à l’ère de Fernando Henrique Cardoso (prédécesseur de Lula)–ce qui est le moins que l’on puisse espérer – ce scandale touchera encore plus le PSDB que le Parti de Travailleurs. Pour se rendre compte de son niveau de corruption, il suffit de parler du scandale lié au cartel du Métro de São Paulo, par exemple qui a la même caractéristique que la crise à Petrobras. Une question se pose : Est-ce que la situation est pire aujourd'hui qu'elle ne l'était dans le passé? Est-ce-que la Présidente Dilma est intervenue pour bloquer les avancés des enquêtes judicaires ? Personne ne croit que la destitution de Dilma sera déterminée par le soupçon qu'elle a été personnellement impliquée dans un système de corruption.
Dans ce cadre complexe, truffé de contradictions, la droite avance tous ses pions pour empêcher la réussite du gouvernement Dilma car elle a peur que Lula revienne au pouvoir. Selon les projections du gouvernement, la croissance sera de 1,5%, même avec ce taux croissance en baisse les signes de reprise sont là et la situation du Brésil n’est pas désespérée, contrairement à ce que décrivent les grands médias brésiliens, car le pays dispose de ressources naturelles abondantes et son économie est relativement diversifiée.
Le mois d’août, sans aucun doute marquera l’histoire de la polarisation politique au Brésil. Le 16 août les adversaires du gouvernement Dilma, ceux qui ont la haine viscérale du PT et de toute la gauche brésilienne feront la troisième grande manifestation en faveur du coup d'Etat, ils demandent la destitution de la présidente Dilma Rousseff. Ce sera le Brésil de "la république de ceux qui en ont." Ceux qui ne veulent pas un développement avec inclusion sociale. Le Brésil inégal n'a jamais affecté le Brésil des privilégiés. Plus de pauvreté et une concentration toujours plus grande de la richesse. Tout cela est bénéfique pour les riches! Un salaire minimum plus bas pour de meilleurs profits des entreprises!
Le 20 août sera le tour de ceux qui n’acceptent pas le retour de la dictature et font de la résistance contre les fascistes. Ils occupent la rue pour défendre la démocratie et les acquis sociaux. Ils veulent une république citoyenne et sans corruption. Ce sera la République de des privilégiés le 16 août, face à la République de la citoyenneté active, le 20 Août.
Le jeudi (13/8), Dilma a reçu au palais présidentiel les centaines de représentants de divers mouvements sociaux brésiliens. UNE, CTB, CUT, MTST, MST et d'autres mouvements ont exprimé leur engagement envers la démocratie et la volonté de lutter contre le coup d'Etat, mais ils ont aussi demandé à la présidente des mesures efficaces afin que les travailleurs ne paient pas le compte de la crise économique.
Les organisations sociales ne permettront pas que l’agenda politique soit dicté par le Président du sénat et les membres du Congrès qui défendent seulement les intérêts de la République de privilégiés. La dernière enquête d’opinion publique de le confirme : La majorité de la population approuve les programmes de distribution des revenus, les politiques de réduction des inégalités. Parmi tous ceux qui seront dans rue le 20 août prochain il y aura aussi ceux qui sont critiques vis-à-vis de la politique d’austérité du gouvernement de Dilma Rousseff.
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